Marie N'Diaye, prix Goncourt 2009

 Marie N'Diaye, prix Goncourt 2009

Elle l'a fait. Marie N'Diaye est la première femme noire à avoir obtenu le Goncourt, le prix littéraire le plus prestigieux. L'objet de sa consécration? Son ouvrage intitulé Trois femmes puissantes (éd. Gallimard), récit de trois destinées de femmes qui, entre la France et l'Afrique, combattent et résistent pour préserver leur dignité.

Heureuse mais calme. Devant les caméras et les appareils photographiques qui forment comme une muraille imprenable autour d’elle, Marie Ndiaye, habillée/ vêtue de noir et de gris, affiche le visage impassible d’une déesse maintenant une certaine distance face à ce tohu-bohu bruyant et crépitant. Entre l’affolement qui caractérise habituellement la remise du prix Goncourt, et l’attitude hiératique de la lauréate, le contraste est saisissant. « Je suis très contente d’être une femme qui reçoit le prix Goncourt », lance-t-elle aux journalistes agglutinés sous une pluie légèrement drue.

 Avant elle, neuf femmes seulement  se sont vues remettre le prix Goncourt. C’est dire si « les prix littéraires sont machistes » pour reprendre les mots de Françoise Chandernagor, juré du Goncourt et fervente admiratrice du livre de Marie Ndiaye, qui dit avoir du mal à admettre que « son livre rencontre un tel succès. Je suppose qu’il s’agit d’un mélange d’histoires qui touchent et d’écriture ».

Une force d’évocation incomparable

 Les jurés Goncourt eux sont intarissables. Pour Didier Decoin, qui reconnaît avoir lu par deux fois déjà Trois femmes puissantes, Marie Ndiaye est « un très grand peintre qui sait donner chair, saveurs, odeurs à ses personnages ». Françoise Chandernagor parle, elle, " d’ une force d’évocation incomparable, faulknérienne " tandis qu’Edmonde Charles-Roux a été séduite par « l’écriture, sa conviction, sa simplicité. Pas de théâtre, pas de blabla ». Bernard Pivot s’est dit lui aussi touché par « l’écriture somptueuse, avec un très bel usage, note-t-il, de l’adjectif et de l’adverbe, très rare ». Même emballement de la part de Tahar Ben Jelloun qui évoque une « écriture magnifique et d’une histoire très forte, qui fait réfléchir sur les relations dans la famille, entre une fille et un père africain, et qui aborde aussi la question de l’immigration clandestine ».

Trois femmes puissantes se présente comme un triptyque qui aurait pour point commun l’Afrique. Le roman est structuré autour de trois récits qui ont chacun pour héroïne une femme luttant à chaque instant pour sa dignité, entre la France et l’Afrique. Elles s’appellent Norah, Fatah et Khady et quel que soit leur environnement, elles sont chacune habitées par une aptitude à la résistance hors du commun. «J'ai construit ce livre comme un ensemble musical dont les trois parties sont reliées par un thème récurrent. Ce thème, c'est la force intérieure que manifestent les protagonistes féminins. Norah, Fanta, Khady sont reliées par leurs capacités communes de résistance et de survie.» (Marie N'diaye citée par le Monde.fr ).

 Une carrière fulgurante

 Marie N'Diaye, 42 ans, magnifique visage et yeux endormis, a déjà été sacrée prix Femina en 2001 pour Rosie Carpe, avant d'entrer en 2003 au répertoire de la Comédie-Française avec Papa doit manger. Née le 4 juin 1967 à Pithiviers (Loiret), d'un père d'origine sénégalaise et d'une mère française, elle a grandi en banlieue parisienne. «La seule chose qui change quand on a une origine africaine, c’est qu’on est noir, c’est visible, explique-t-elle lors d'une interview aux Inrocks. Mais c’est tout. J’ai été élevé uniquement par ma mère, avec mon frère, en France. Pas par mon père, avec qui je n’ai jamais vécu, et que je ne suis pas allée voir en Afrique avant l’âge de 22 ans. J’ai été élevée dans un univers 100 % français».

 Elle publie à 18 ans son premier roman, Quant au riche avenir (1985). Remarquée par Jérôme Lindon des éditions de Minuit, elle abandonne rapidement ses études pour se consacrer à l'écriture et enchaîne depuis romans et recueils de nouvelles. Une vingtaine en 23 ans, parus pour l'essentiel chez Minuit puis chez Gallimard. Comédie classique (1988), La femme changée en bûche (1989), La sorcière (1996)...

 Un choix de vie anti-Sarkozy

En 2007, Marie NDiaye s'est installée à Berlin avec sa famille, ses trois enfants et son compagnon, l'écrivain Jean-Yves Cendrey. Ce départ est une conséquence directe de l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence française. « je trouve cette France-là monstrueuse», confie-t-elle. « Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux».

Nicolas Sarkozy adressera-t-il ses félicitations à Marie NDiaye lors d'un prochain communiqué ?

 

Nanny (Source Rfi, 20m)