DE LA SITUATION DES GENS DE COULEUR LIBRE, AUX ANTILLES FRANCAISE

Dans les Antilles on a voulu nous faire croire qu'on devait l'abolition de l'esclavage àn Schoelsher alors qu'en réalité c'est la conséquence de la lutt

e acharné des nég marrons et à l'engagement d'un afro cariobéen de la Martinique du nom de Cyrille Bissette. 

A partir de décembre 1823 circule une brochure intitulée « De la Situation des gens de couleurs libres aux Antilles françaises » écrit pour le procureur par un certain Cyrille Bisette. On y dénonce les différentes injustices, les mauvais traitements, les humiliations et privations dont sont victimes les esclaves en terres françaises d’Amérique. Le ton contraste avec la relative modération des écrits des gens de couleurs libres en ce temps-là. On y réclamait l’application aux noirs des mêmes droits dont jouissaient les sujets royaux dans le cadre de la Charte octroyée par le Roi en1814. On alla même jusqu’à proposer un rachat progressif des esclaves, la gratuité des écoles pour les affranchis et la suppression des châtiments corporels.
Cette brochure, incendiaire pour l’époque, aurait été vraisemblablement ramenée par deux libres, riches commerçants de Saint-Pierre, Monlouis Thébia et Jos Eriché dans leurs bagages. Il existait à l’époque un puissant réseau de Libres de couleur réparti entre Paris, Nantes et Bordeaux.

Bisette est dénoncé par un certain Morando. La police perquisitionne chez lui et l’on y retrouve plusieurs brochures ainsi qu’un projet d’adresse à la Chambre des députés. Bissette est arrêté le lendemain avec ses amis Volny et Fabien. Les Libres ne disposaient pas encore à Saint-Pierre du même statut de notabilité dont ils jouissaient à Fort Royal. Une quinzaine d’entre eux furent ainsi arrêtés par les forces de l’ordre même si les plus notables dont Papy (père du futur député Pory- Papy) ne furent pas inquiétés.

Les accusés passèrent tous en jugement de décembre 1823 à février 1824. Parmi tous ces procès, le plus retentissant fût celui de Bissette. Il nia vigoureusement fomenter une révolte d’esclaves (la crainte de l’haïtianisme était encore forte) : « ceux auxquels j’ai lu la brochure ont tous autant intérêt que moi, et tous propriétaires à maintenir l’ordre dans la colonie ». Si l’on ne pouvait prouver avec certitude que Bissette était l’auteur du papier, il fut tout de même convaincu de conspiration en tant que distributeur du libelle. Le 5 janvier 1824, il fut condamné en première instance à être marqué au bannissement de la Martinique et aux travaux forcés. Il fait appel de la décision ; le procureur par intérim de Lucy, fervent partisan des thèses racistes réussit à la faire condamner à être marqué au fer rouge de la mention « GAL » (pour galère). Il est transporté au fort de Brest avec quarante-six autres condamnés où il se pourvoit immédiatement en cassation. L’assignation au territoire métropolitain est cassée et il est renvoyé avec ses complices devant la Cour royale de la Guadeloupe qui le bannit pendant dix ans des colonies françaises.

La période à laquelle eut lieu ce procès est marquée par une lutte entre libres de couleur et békés, lutte qui se prolongera sous le régime suivant. La métropole cherchait à affaiblir le pouvoir dont jouissaient les blancs créoles en supprimant par exemple en 1826 la Cour prévôtale mais aussi en tentant de briser le recrutement créole de la Cour d’appel en 1828 : le procureur ne serait plus un créole et les juges de métropole seraient avantagés.

Cette affaire eut pour effet de renforcer la barrière de couleur. De nombreux blancs trouvaient le jugement trop clément, tandis que les soutiens pour les Libres de couleur incarcérés ne cessaient de se renforcer dans les deux villes principales de Martinique.

La lutte contre l’esclavage.

Loin de se contraindre au silence et à l’isolement, Bissette profite d’être en métropole pour être un relais aux thèses antiesclavagistes. L’avènement de la Monarchie de Juillet consécutif aux Trois Glorieuses marque une période de bouillonnement intellectuel et de multiplication des journaux. Bissette fonde la Revue des Colonies qui défend ardemment la cause des esclaves se rapprochant de l’abolitionniste britannique Macaulay.

L’opinion publique française était de plus en plus favorable à l’émancipation des esclaves. Bissette et Fabien s’estiment être les mandataires des hommes de couleur en métropole, ils bénéficient de plus en plu d’oreille très attentives. La Monarchie de Juillet préparait déjà dès 1830 la complète assimilation des Libres de couleurs aux colons de souches européennes pures. Bissette prépara quelques observations pour les commissions chargée de préparer la charte coloniale promulguée en 1833 : que toute personne libre de couleur de plus de vingt-cinq ans et résidant depuis plus de deux ans sur le territoire d’une commune puisse élire et être éligible. L’idée fut retenue mais le cens mis en place (car à l’époque le suffrage était censitaire car on pensait que les citoyens devaient être des personnes éclairées, les pauvres étant souvent influençables) était trop élevé pour que beaucoup d’hommes de couleur soient électeurs ou élus :il fallait payer 300 francs d’impôt et avoir un patrimoine de plus de 60000 francs. Aux cantonales de 1834, il n’y avait sur 725 électeurs que 25 gens de couleur et bien sûr aucun élu.

Les Antilles anglaises avaient elles, déjà procédées à l’abolition de l’esclavage depuis 1835 et la pression était de plus en plus forte de la part du Royaume-Uni pour que les autres empires (enfin surtout l’empire coloniale français) procèdent eux aussi à cette abolition, pas seulement pour des raisons humanistes mais avant tout parce que cela devenait de la concurrence déloyale, la France disposant d’une main d’œuvre servile qu’elle ne payait pas contrairement aux britanniques. Bissette, modéré rejoignait lui le combat du Duc de Broglie en faveur d’une abolition progressive. Il écrivit d’ailleurs à ce sujet :

« Avant que l’abolition entière ne sépare en deux partie le monde colonial, il faut préparer un lien entre les anciens et les nouveaux citoyens. Il faut que les anciens citoyens trouvent la sécurité et que les nouveaux trouvent liberté et profit. La révolution sociale s’accomplira ainsi sans violence et sans confusion ».

Schoelcher lui-même était au début partisan de la fin immédiate de la traite transatlantique, mais ne voyait l’émancipation totale avant soixante ans : il ne voyait pas « la nécessité d’infecter la société active de plusieurs millions de brutes décorées du titre de citoyen ». La suppression des châtiments lui paraissait prématurée. Ce n’est qu’à partir des années 1840 et un voyage aux Antilles qu’il réclame alors l’abolition totale et immédiate.

Le 5 janvier 1840 est votée la loi sur les patronages qui prévoit des enquêtes périodiques menées par l’autorité judiciaire afin de vérifier que les esclaves bénéficiaient de bons traitements sur les habitations. Ceci a le don de provoquer l’ire d’une bonne partie des colons qui voient réduire de plus en plus leur autorité sur les plantations. D’ailleurs, de plus en plus d’affaires sont portées devant les tribunaux.

Cinq ans plus tard est adoptée la loi Mackau qui représente une grande avancée pour les esclaves. Désormais la journée de travail est limitée à neuf heures (ce qui était bien moins qu’en métropole), le travail de nuit est interdit, les esclaves peuvent aussi racheter leur liberté ainsi que celle de leur famille, mais doivent en revanche demeurer cinq ans sur l’habitation comme salariés. Mais dans les faits il n’y aura que cinq cents esclaves à bénéficier de cette mesure en Martinique.

Une carrière politique marquée par une rivalité exacerbée avec Schoelcher.

Le 27 avril 1848, le gouvernement provisoire de la Seconde République adopte l’abolition immédiate de l’esclavage, mesure radicale étant donnée que beaucoup se satisfaisaient de l’émancipation progressive. Lors de la proclamation de la liberté en Martinique, c’est d’abord le nom de Bissette qui est acclamée par la foule. Bissette décide donc de se présenter aux législatives du 9 août suivant. Il est élu en compagnie de Pory Papy et Victor Schoelcher, avec une participation de près de 75% (chiffre qui ferait aujourd’hui rêver sous nos latitudes)mais son élection est aussitôt invalidée par l’Assemblée constituante pour incapacité personnelle due à la faillite qui avait été prononcée contre lui.

Heureusement pour lui, le Tribunal de Commerce de la Seine invalide cette décision ce qui lui permet de se présenter de nouveau et d’être élu largement en 1849. Il bénéficie du soutien des nouveaux affranchis, de la masse des cultivateurs et de blancs tandis que Schoelcher était plus l’homme des gens de couleur, les anciens affranchis. Bissette se prononce pour l’oubli du passé, pour une politique de réconciliation entre békés, anciens et nouveaux affranchis :
« Consentons donc à un mutuel oubli du passé et jetons loin de nous nos funestes divisions, nos préjugés d’un temps qui n’est plus, les vieilles récriminations qui ne font jamais l’affaire des partis et bien moins encore le bonheur du pays qui doit dominer et faire taire toutes les passions » .

Bissette pour gagner s’est associé avec le béké Pécoul ce qui a le don d’irriter considérablement une partie de son électorat mais sa victoire n’en demeure pas moins écrasante puisqu’il recueille 16237 voix et Pécoul 13482, Schoelcher, humilié ne recueillant que 3617 suffrages. Cette association Bissette-Pecoul achève selon Isambert, avocat de Bissette, d’accélèrer la formation d’un parti schoelchériste afin de contrer le parti bissettiste. On accuse Bissette d’avoir trahi sa race par son alliance contre nature avec un ancien colon. Schoelcher, battu en Martinique est en revanche élu en Guadeloupe(car à l’époque on pouvait se présenter dans plusieurs circonscritions mais on ne pouvait bien sûr occuper qu’un siège)après un séjour agité de Bissette où il est attaqué par la foule de mécontents dans plusieurs communes de l’île.

C’est une farouche bataille qui s’engage entre les deux camps. Schoelcher ne pouvant pardonner sa défaite en Martinique à Bissette. L’Alsacien ne cesse de dénoncer les ambitions politiques du mulâtre, sa compromission avec les anciens esclavagistes, parlant d’ « une vive répugnance à s’occuper aussi longtemps d’un personnage taré comme M. Bissette ». Chacun des deux hommes bénéficient de l’appui de leur organe de presse respectif, Schoelcher de La Liberté et Bissette du Courrier de la Martinique, à travers lesquels les deux parties n’hésitent pas à se fendre d’insultes.

Cette rivalité perd sa raison après le coup d’Etat du président de la République Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Bissette s’éloigne alors de l’échiquier politique.

Bissette est l’un des grands oubliés de notre histoire. Tout le monde connaît Victor Schoelcher, Alsacien de naissance dont les manuels ont fait le héros de l’abolition. L’histoire ne retient que les vainqueurs et malheureusement, les intellectuels ont réussi à le faire disparaître de la mémoire collective. Il a cherché à concilier les différentes composantes de la période esclavagiste, anciens maîtres et anciens esclaves après l’abolition. Et c’est cette attitude de modération, de réconciliation qui lui a valu de passer pour un traître et de tomber dans les oubliettes de l’histoire. Et c’est pour cela qu’il mérite de recevoir les honneurs qui lui ont été refusés jusqu’à présent.
http://www.antillespolitique.com/category/presentation-de-la-vie-politique-antillaise/paysage-politique-martiniquais/histoire-politique-de-la-martinique/grands-hommes-de-notre-histoire/1848-1900/ )

 

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