LETTRE OUVERTE DU KOMITÉ MÉ 67 A MARIE-LUCE PENCHARD

LETTRE OUVERTE DU  KOMITÉ MÉ 67 A MARIE-LUCE PENCHARD

KOMITE ME 67

c/o UGTG

1, Rue Paul Lacavé

97110 Pointe-à-Pitre

                   Madame Marie-Luce PENCHARD

                   Ministre des DOM

                   27, Rue Oudinot

                   75007 Paris  
               
               
               

                   Pointe-à-Pitre, le 20 Mai 2010 
               

Objet : Vérité – Justice - Réparation – Réhabilitation pour les victimes des massacres des 26 et 27 Mai 1967 à Pointe à Pitre (Guadeloupe). 

Madame la Ministre,  

Les 26 et 27 Mai 1967, à Pointe à Pitre, à l’occasion d’une grève d’ouvriers du bâtiment, les CRS, Gendarmes mobiles (Képis Rouges) français perpétrèrent un véritable massacre contre le Peuple Guadeloupéen.  

« Le massacre commença le 26 mai 1967 au début de la matinée et dura jusqu’au lendemain soir. Pointe-à-Pitre martyrisé. Ces morts ne furent pas les victimes accidentelles d’un combat sans merci. Ces êtres furent assassinés de sang froid avec méthodes. Ce crime fut décidé, organisé, planifié dans le cadre d’une politique de terreur. »  

Le Préfet Pierre BOLOTTE, inhumé le 27 Mai 2008 (41 ans jour pour jour après le massacre des Guadeloupéens), commandeur de la légion d’honneur, demanda de faire usage de toutes les armes contre tous ceux qui bougeaient, qui étaient noirs ou tiraient leur origine de cette couleur. Plusieurs centaines de Guadeloupéens furent traqués, blessés ou tués par balles. L’armée Française tirait sur les ambulances et même dans la veillée mortuaire d’une des premières victimes. L’hôpital était débordé. Des exécutions sommaires ont été perpétrées aussi bien à la gendarmerie du Morne Miquel qu’à la Sous-préfecture de Pointe-à-Pitre où des dizaines de corps jonchaient le sol.

 

Depuis 2005, nous avons entrepris des démarches auprès de l’Etat Français pour qu’une enquête soit diligentée sur les tueries de Mai 1967. Jusqu’ici, aucune réponse.    

Toutes les archives des hôpitaux et mairies relatives à cette période ont mystérieusement disparu et les archives Françaises de Fontainebleau nous sont interdites.  

Face à ce mépris, les investigations se sont poursuivis directement sur le terrain même, en Guadeloupe, et ont permis de rencontrer des témoins visuels, des parents et amis de victimes, des blessés, des emprisonnés, ….. Aux dires d’un ancien ministre des DOM, M. Lemoine, il y eut 87 morts et des centaines de blessés. Mais le nombre réel de morts va bien au-delà et dépassera 200 Guadeloupéens tués.   

Aujourd’hui, 41 ans après, nous poursuivons notre combat pour la vérité, la reconnaissance de ce massacre, la justice, le jugement et la condamnation des coupables, la réhabilitation des victimes, la réparation des préjudices, l’accès aux archives et dossiers de l’époque et à l’écriture de cette page de notre histoire.

    

Depuis plusieurs mois maintenant, nous suivons avec intérêt vos prises de position sur tous les dossiers relatifs à la défense des droits de l’homme à travers le monde. 

L’Archipel de Guadeloupe, Pays Caribéen, inclus unilatéralement dans les Régions Ultrapériphériques Européennes (RUP), serait de ce fait sous « un régime de droit ».

Or les faits : Affaires MADASSAMY, SELBONNE, LEFORT, MATHIASIN, …, licenciement abusif et condamnations arbitraires de syndicalistes, non respect des accords signés, racisme à l’embauche à l’encontre des Guadeloupéens d’origine Africaine et Indienne en Guadeloupe, ….. , confirment que notre vie quotidienne est tissée, depuis tantôt, de longues suites de brimades, d’injustice, de répressions et de discriminations de tous ordres.

 

Ainsi, les représentants de l’Etat Français nous abreuvent de discours officiels vantant « la France patrie des droits de l’homme » (pour rappel, la déclaration des droits de l’homme date de 1789 et l’abolition de l’esclavage de 1848, sic !!) et du caractère infaillible de la société de droits.

Récemment encore, c’était l’ambassadeur adjoint de la France à l’ONU qui demandait au conseil de sécurité d’agir rapidement pour traduire les responsables du massacre du 28 septembre à Conakry (Guinée) en déclarant que « l’impunité ne peut être une option ».  

Qu’il est facile de se passer pour un défenseur des droits de l’homme.  

Et pourtant, aujourd’hui encore, l’exercice de la justice à nos actes ordinaires est fondée sur la plus flagrante des discriminations coloniales : celle de la couleur ! 

Sommes-nous confrontés à un phénomène marginal ?  

Notre vision de la réalité sociale et politique est-elle à l’excès, réductrice ?  

Sommes-nous victimes d’un mirage ? 

Certainement pas. 

Ce dont nous sommes sûrs, c’est d’aspirer à une société plus égalitaire contrairement à ce que les faits nous imposent aujourd’hui. Voila pourquoi notre présente requête ne se fonde pas sur des considérations vagues et générales.  

Nous exigeons du Gouvernement de la France des réponses claires et précises sur les évènements de Mai 1967, survenus à Pointe à Pitre, en Guadeloupe. 

Nous exigeons la vérité, la reconnaissance de ce crime colonial, la justice, le jugement et la condamnation des coupables, la réhabilitation des victimes et emprisonnés, la réparation des préjudices, l’accès aux archives et dossiers de l’époque.  

Pourquoi le massacre de centaines de Guadeloupéens ?  

Pourquoi n’y a-t-il que des victimes qui ont été condamnées ? 

Pourquoi les criminels ont-ils été décorés ? 

Pourquoi ce black out ?

                                                                              

      Pour le KOMITÉ MÉ 67

        

      Elie DOMOTA