Paroles et traduction de Strange Fruit
Paroles et traduction de "Strange Fruit"
Strange Fruit (Fruit Etrange *)
Southern trees bear strange fruit
Les arbres du Sud portent un fruit étrange
Blood on the leaves and blood on the root
Du sang sur leurs feuilles et du sang sur leurs racines
Black bodies swinging in the southern breeze
Des corps noirs qui se balancent dans la brise du Sud
Strange fruit hanging from poplar trees
Un fruit étrange suspendu aux peupliers
Pastoral scene of the gallant South
Scène pastorale du vaillant Sud
The bulging eyes and the twisted mouth
Les yeux révulsés et la bouche déformée
Scent of magnolia sweet and fresh
Le parfum des magnolias doux et printannier
Then the sudden smell of burning flesh
Puis l'odeur soudaine de la chair qui brûle
Here is a fruit for the crows to pluck
Voici un fruit que les corbeaux picorent
For the rain to gather, for the wind to suck
Que la pluie fait pousser, que le vent assèche
For the sun to ripe, to the tree to drop
Que le soleil fait mûrir, que l'arbre fait tomber
Here is a strange and bitter crop !
Voici une bien étrange et amère récolte !
Chanson composée en 1946 par Abel Meeropol afin de dénoncer les Necktie Party ( pendaison) qui avait lieu dans le Sud des Etats Unis et auxquels les blancs assistaient habillés sur leur 31. Cette chanson fut offerte à Billie Holiday au cours de sa carrière, et rencontra un immense succès lors de sa sortie.
Strange Fruit est un poème qu’il faut lire en ayant à l’esprit un paysage rural semé de champs de coton qui laissent voir ça et là quelques arbres isolés ou quelques bosquets procurant un peu de fraîcheur. Il faut imaginer qu’au siècle dernier, dans les années 30, au plus fort des lynchages dans les campagnes américaines, quand un promeneur empruntait une route serpentant dans ce paysage de rêves, au détour d’un chemin, il n’était pas rare qu’il voie suspendu à un arbre un étrange fruit. Un fruit noir qui ensanglantait les feuilles et les racines de l’arbre qui le portait.
Ce fruit étrange dont il est question désigne les corps des victimes noires des lynchages que l’on pendait aux arbres quand elles n’étaient pas brûlées vives. Ces images, Abel Meeropol, un enseignant juif d’origine russe, les avaient découvertes par le biais des photographies que les familles blanches s’adressaient sans vergogne et sur lesquelles on les voyait rayonnantes à côtés de leur victime. Choqué par cette pratique, il écrivit et publia un poème (Bitter Fruit) sous le pseudonyme de Aka Lewis Allan. Il en fera par la suite une chanson et la proposera à la chanteuse noire américaine de jazz et de bleues, Billie Holiday. Celle-ci, déjà célèbre, chantera pour la première fois ce texte, devenu Strange Fruit, au Café Society, seul club antiségrégationniste de New York.
Dans une mise en scène sobre avec le public plongé dans le noir et un faisceau de lumière éclairant la silhouette de Billie Holiday, celle-ci chanta d’une voix déchirante accompagnée des seules notes d’un piano. A la fin de sa prestation, le public désorienté garda un silence de mort. Puis, un spectateur osa battre des mains entraînant peu à peu le reste du public dans un tonnerre d’applaudissements. Depuis, cette chanson compte parmi les réquisitoires artistiques les plus vibrants contre le lynchage couramment pratiqué dans le Sud et l’Ouest des Etats-Unis. Seize ans avant que Rosa Parks ne devienne célèbre en refusant de céder sa place dans un bus en Alabama, grâce à « sa voix déchirée et déchirante », Billie Holiday a permis à ce poème de faire prendre conscience du racisme et du pouvoir de l’art dans le combat pour les droits des noirs.
Voilà donc une œuvre que les écoliers noirs d’Afrique et d’ailleurs devraient étudier afin de ne jamais oublier ce qu’ont vécu ceux qui ont quitté brutalement la terre d’Afrique pour l’Amérique lointaine. Et il faut qu’ils sachent aussi que si l’on ne pend pas toujours des noirs, aujourd’hui on plastique leurs maisons, on les abat toujours au fusil, et on les frappe jusqu’à ce que mort s’en suive à la batte de base-ball. Ainsi, entre 1980 et 1986, on a recensé cent vingt et un meurtres imputables à l’ultra droite américaine (source : Centre du renouveau démocratique, basé en Alabama). Les morts motivées par la haine raciale n’ont donc pas disparu du sol américain.
PEACE.
Raphaël ADJOBI
(Sources : Article de Dirk Ingo Franke publié par Arte.tv. / Article de Jeannine Dath pour Théâtre Varia / Articles de Torpedo et Wikipedia / Photos : Wikipédia et Afrostyly)
Livres à retenir : 1) Without Sanctury, Le lynchage aux Etats-Unis en cent trente photographies. 2) Freedom, histoire photographique de la lutte des Noirs américains, édit. Phaiton, 2003. 3) L’empire du mal, dictionnaire iconoclaste des Etats-Unis ; auteur : Roger Martin, éditions Cherche-Midi, 2005.