Rama Yade, obligée de voyager dans la clandestinité politique

RAMA YADE A WASHINGTON
par le figaro.fr

Au cours de son déplacement aux États-Unis, Rama Yade a dialogué avec le révérend Jesse Jackson, un symbole de la défense des droits civiques aux États-Unis.

Le week-end américain de Rama Yade 

 


Au cours de son déplacement aux États-Unis, Rama Yade a dialogué avec le révérend Jesse Jackson, un symbole de la défense des droits civiques aux États-Unis. Crédits photo : SIPA

En déplacement à Washington, la ministre a rencontré Jesse Jackson. Mais pas Barack Obama.

Samedi midi, à la terrasse d'un hôtel de Washington. Casquette sur la tête, lunettes de soleil sur le nez, Rama Yade ne fait guère de mystères sur les raisons principales de sa venue dans la capitale fédérale américaine. La secrétaire d'État aux Sports compte bien serrer la main de Barack Obama. «Si je suis venue, c'est pour le dîner», dit-elle. Ce dîner, c'est celui du Congressional Black Caucus, l'organisation qui regroupe les membres afro-américains siégeant au Congrès. Le président des États-Unis est l'invité d'honneur de cette soirée à laquelle Rama Yade a été conviée.

Rama Yade rentre bredouille. Il n'y aura pas d'image d'elle serrant la main du premier président noir des États-Unis. Barack Obama s'éclipse dès la fin de son discours. Attablée au milieu des 4 000 convives, dans une salle aussi vaste et haute qu'un terminal d'aéroport, la secrétaire d'État s'en sort par une pirouette. «C'est vous qui vous êtes fait des films. On ne vous avait rien promis», lance-t-elle, tout sourire, aux journalistes français. À Washington, la ministre la plus populaire du gouvernement Fillon a fait une cure d'anonymat. Certes, Rama Yade a eu droit la semaine dernière à un long et élogieux article dans le Washington Post, mais elle reste une inconnue aux États-Unis. Le discours sur les minorités qu'elle devait prononcer au Congrès devant des membres du Black Caucus a finalement été remplacé par une table ronde au sujet plus aride : la Coupe du monde de football comme moyen de développer le business et le commerce entre les États-Unis et l'Afrique. Assise au premier rang à côté du député PS de Guadeloupe Victorin Lurel, Rama Yade n'a pas parlé.

 

Plus ouverte vis-à-vis de la discrimination positive

 

Mais elle ne s'émeut pas trop de ces rendez-vous ratés. Rama Yade se dit d'ailleurs agacée par les égards dont elle fait l'objet lors de ses déplacements. «Être ministre, c'est toujours compliqué, confie-t-elle. Un jour, j'ai demandé un sandwich parce que j'avais faim. On m'a apporté des coquilles Saint-Jacques sous une cloche. C'est la partie chiante de la fonction.»

Au cours de son week-end américain, Rama Yade aura tout de même pu dialoguer avec le révérend Jesse Jackson, le symbole de la défense des droits civiques aux États-Unis. L'occasion pour elle de se montrer plus ouverte vis-à-vis de la discrimination positive à laquelle elle a toujours été opposée. Devant les caméras, l'ancien candidat aux primaires démocrates, ne tarit pas d'éloge sur la jeune secrétaire d'État. «Rama Yade ira très loin. C'est un symbole. Il y a l'image et il y a la substance. Rama Yade a de la substance», dit Jesse Jackson.

Désormais en charge des Sports, l'ancienne secrétaire d'État aux Droits de l'homme s'est aussi entretenue avec des conseillers de la Maison-Blanche pour défendre la candidature d'Annecy aux Jeux olympiques d'hiver de 2018. Et elle se dit capable de faire exister son portefeuille des Sports comme elle a fait exister celui des Droits de l'homme. Rama Yade veut croire que son nouveau poste est un tremplin. «Michèle Alliot-Marie et Pierre Mazeaud ont bien été ministres des Sports, et ils ne sont pas n'importe qui, non ?»

Rama Yade, obligée de voyager dans la clandestinité politique.

Le Congressional Black Caucus est un groupe qui rassemble les membres afro-américains du Congrès des Etats-Unis.

Jusque là, rien d'extraordinaire me direz-vous. Je ne suis pas de cet avis et je m'étonne que tout soit fait pour que ce voyage passe inaperçu et que la "personnalité politique préférée des français", en disgrâce à l'Elysée, ne fasse pas trop de vague avec une série de photos aux côtés du président américain.

Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à faire quelques recherches sur Internet. Son agenda d'abord, disponible en ligne, ne mentionne rien si ce n'est cette formule lapidaire : "Déplacement à Washington". Faites une recherche sur Google News et vous ne trouverez rien. Elle a été interviewée cette semaine par Marc Olivier Fogiel dans la matinale d'Europe1 et le passage est totalement introuvable sur le site de la radio. J'ai cherché sur les sites des principaux quotidiens, rien non plus.

Il faut se tourner vers la presse américaine et le Washington Post pour lire un portrait particulièrement élogieux de celle qui est présentée là-bas comme un "symbole français de l'intégration... au statut de star".

Mais en Sarkoland, il n'y a qu'une seule star possible et c'est Sarkozy lui-même. Personne ne peut ni ne doit lui voler la vedette.

Et pourtant, foi de communiquant, cette info aurait été intéressante à traiter, tant du point de vue de l'image que du symbole.