"Tintin au Congo" devant la justice belge

"Tintin au Congo" devant la justice belge

Tintin comparaît mercredi devant le tribunal de première instance de Bruxelles. Bienvenu Mbutu Mondondo, un Congolais résidant en Belgique, demande "le retrait de la vente ou à défaut, l'ajout d'un avertissement"sur l'album Tintin au Congo, qu'il juge "raciste à l'égard des Africains".

 

L'affaire n'est pas nouvelle. Elle a déjà fait grand bruit en Angleterre. En juillet 2007, la Commission pour l'égalité raciale a considéré que cet album contenait "des images et des dialogues porteurs de préjugés racistes abominables, où les 'indigènes sauvages' ressemblent à des singes et parlent comme des imbéciles." Outre-Manche, certains libraires classent désormais la bande dessinée au rayon adulte, et un préambule met en garde contre les préjugés que véhicule l'ouvrage. A New York, la bibliothèque publique de Brooklyn a restreint l'accès au livre. Il ne peut être consulté que sur demande et appartient désormais à une collection sur l'histoire de la littérature enfantine.

"IL EST NÉCESSAIRE D'AVERTIR LES ENFANTS"

"En France, nous refusons le débat sur les traces culturelles et linguistiques de notre pays", déplore Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires. Le CRAN ne souhaite pas la censure de l'ouvrage, qui reflète l'époque coloniale. Mais "ce livre fait clairement l'apologie de la hiérarchie des êtres humains. Aucun enfant ne naît avec des stéréotypes. Dans un souci pédagogique, il est nécessaire d'avertir les enfants face aux propos de la BD pour qu'ils prennent de la distance", explique-t-il au Monde.fr. Patrick Lozès souhaiterait un avertissement figurant sur les premières pages de la bande dessinée.

A l'issue du procès en Belgique, le CRAN n'exclut pas d'intenter une action en France. "Nous aimerions ne pas en arriver à la solution radicale d'un procès. L'éditeur Casterman entend notre malaise, Moulinsart S.A.(la société qui gère tous les autres droits commerciaux) reste intransigeante." Même problème en Belgique où subsiste une ambiguïté de responsabilité entre l'éditeur et Moulinsart S.A.

Dans ses Entretiens avec Numa Sadoul en 1975, Hergé avait admis représenter les Noirs conformément aux préjugés de l'époque, les décrivant comme "de grands enfants". La première version de sa bande dessinée est parue en 1931, à l'apogée de la présence coloniale belge au Congo. En 1946, l'album est remanié."J’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais, confie l'auteur. En fait, les Soviets et le Congo ont été des péchés de jeunesse." Numa Sadoul lui demande alors ce qu'il répond aux personnes qui le traitent de raciste. "Toutes les opinions sont libres…", tranchera l'auteur de Tintin.


Caroline Venaille ( Le Monde)