Elie Domota, le rouge et le noir

 Elie Domota, le rouge et le noir

Elie Domota notre élue,suscite un grand intérêt au delà des frontière Guadeloupéenne.
Au pays on le surnome "général Domota",ou "el Ché",et le parallèle, Obama,Domota est souvent fait.
Le Monde vient de publier un portrait très élogieux de notre Domota,une présensation à la dimension de ce leader hors du commun.
Son père était charpentier. Elie (l'élu) Domota a pour surnom Moïse. De là à le prendre pour un messie, il n'y a qu'un pas. Beaucoup de Guadeloupéens l'ont franchi. Prophète et guide qui libérera son peuple de l'esclavage de la "pwofitasyon" (l'exploitation), un rôle taillé à la mesure de cette grande baraque ? Depuis un mois, le meneur du collectif LKP conduit la révolution tranquille de la Guadeloupe. Il sourit, avec son calme habituel, dont il ne se départit qu'à dessein : "Le peuple, dit-il, n'a pas besoin de guide, de sauveur suprême." Il porte souvent un tee-shirt rouge avec une inscription : "Sé neg ki libéré neg."
"Neg", il ne l'est pas tant que cela. Dans une île où il n'y a pas moins de douze mots, et sans doute davantage, pour désigner les nuances de peau du noir au blanc, ou l'inverse, la couleur est une touche sensible. Il a tendu son avant-bras gauche et passé dessus sa main droite :"Vous voyez bien ma couleur de peau." On ne voyait rien du tout. On ne voyait pas ce qu'il fallait comprendre. Le déclic est venu plus tard, quand quelqu'un a dit : "Ici quand un enfant naît clair de peau, on dit qu'il est bien sorti." Domota est un "chabin", terme créole affectueux pour un afro-caribéen de carnation claire, qui voudrait que toutes les peaux soient "couleur humaine". Sans discrimination d'aucune sorte.

Quand les négociations ont été rompues, une première fois, et que le préfet a quitté la table parce qu'il s'était fait invectiver - par un élu -, les Blancs l'ont suivi. Toute l'administration. Il n'est resté qu'un Noir à la table, Martial Arconte, le directeur délégué du travail de Guadeloupe, qui a refusé de se lever. "C'est dur, hein, Arconte !", a lancé Domota. Tout le monde a rigolé et Arconte aussi. En bon syndicaliste, ferme sans dogmatisme, le secrétaire général de l'UGTG, syndicat majoritaire dans l'île, sait à la perfection mettre la pression et la relâcher. Et au besoin faire une démonstration de force - lui qui ne se déplace plus sans garde du corps. "Il n'y en a pas beaucoup comme lui. C'est le meilleur syndicaliste de la Guadeloupe. Il sait quand pousser son avantage et sortir d'un conflit", juge Bernard Carbon, consultant et expert en relations sociales.

Ce qui fait de Domota, 42 ans, un politique abouti est ailleurs. Il possède la maîtrise du temps et le sens des symboles. Les patrons, qui ne l'aiment pas, disent qu'il est "juste bon en com". Croit-on que la date du 20 janvier, jour de l'investiture de Barack Obama, ait été choisie au hasard pour lancer le mouvement social ? Ou que la première réunion officielle avec le ministre Yves Jégo ait eu lieu au petit bonheur le 4 février ? Ce jour-là, en 1794, la Convention abolit l'esclavage dans les colonies. Moins d'un an auparavant, une révolte violente avait éclaté en Guadeloupe, seule île où le décret d'abolition sera appliqué, avant que Napoléon ne rétablisse l'esclavage.

La révélation est venue en CE2. Napoléon, justement, pendant la campagne d'Italie. "Comment pouvait-on nous présenter comme un héros quelqu'un qui avait rétabli l'esclavage ?" Le rouge, signe de reconnaissance du LKP, n'est pas un banal rappel marxiste ou révolutionnaire. C'était la couleur des insurgés de 1801, qui se battirent contre l'envoyé du premier consul. Les héros de Domota sont à rechercher du côté de Delgrès, Toussaint Louverture, Solitude, Ignace, plutôt que de Lumumba ou de Luther King. Son histoire est antillaise.

Il est "bien sorti", Domota, troisième d'une fratrie de six, avec une seule fille. La mère est femme de ménage, puis "dame de service", comme on dit, dans une cantine scolaire. Il passe son enfance à Bas-du-Bourg, un quartier très populaire de Basse-Terre. Il vient de tout en bas. "Une grande partie de ce que je suis s'est déterminée là", dit-il. Le père, ouvrier charpentier donc, inconditionnel de François Mitterrand, s'est toujours intéressé à la politique. Elie aurait peut-être pu s'appeler François. L'un de ses plus vieux copains s'appelle bien Patrice, parce que son père a connu Lumumba, le héros de l'indépendance congolaise. Patrice Tacita, avocat, poète, et pilier du LKP, explique : "Elie a une fibre militante qui remonte à très loin. Lui était aux Jeunesses ouvrières chrétiennes et moi à l'Uneeg, une organisation patriotique et indépendantiste d'élèves et d'étudiants." Ils avaient 14 ans. "C'est quelqu'un qui a été confronté très tôt à l'injustice sociale. S'il recueille une telle adhésion aujourd'hui c'est qu'il connaît parfaitement les gens, leur vie. Il connaît leur rythme, leur tambour intérieur."

Leur "Gwo-Ka". Ce tambour est bien plus qu'une musique. Domota a réussi l'un de ces petits miracles : allier l'art au mouvement social, mieux que jamais. L'un des principaux mouvements culturels de la Guadeloupe, Akyo, qui rassemble des musiciens, des peintres, des intellectuels, est allié depuis longtemps à l'UGTG. Mais il est aujourd'hui aux premières loges du collectif. Pendant les heures interminables de négociation, au dehors, le tambour a joué, sans jamais s'arrêter, pour donner de la force.

Malgré ses études en France, Elie Domota ne s'est jamais sérieusement posé la question d'y rester. Pour l'aller, ce fut au hasard : Vannes, Limoges, ou Grenoble ? "Il me semblait qu'il faisait très froid à Grenoble et qu'il pleuvait beaucoup à Vannes. Finalement, à Limoges, il a plu tous les jours." Il accumule les diplômes, un DUT de gestion, une maîtrise d'administration économique et sociale et un troisième cycle d'urbanisme, joue beaucoup au foot et s'amuse. Mais à l'heure de rentrer, pas d'hésitation. "Je crois que j'ai fait le bon choix au bon moment. C'était un besoin impérieux de revenir ici." Maintenant, il est le bon homme à la bonne place, l'incarnation d'une génération de quadras qui explose.

De 1958 aux années 1970, pas mal d'intellectuels sont rentrés au pays, imprégnés de marxisme. Ils ont tenté des expériences, plus ou moins heureuses. "Leur réussite, c'est d'avoir planté des graines dans la conscience de leurs enfants. Nous appartenons à cette génération", explique l'avocat Patrice Tacita. " Tambours nous-mêmes devenus, cette nuit nous partirons", dit l'un de ses vers. "En France, on parle toujours d'intégration pour nous. C'est curieux, non ? On ne devrait pas plutôt parler d'insertion ?", ironise Domota, sans agressivité. Chez nous, c'est différent. Ici, on est la majorité visible." Mais aussi celle à qui le pouvoir économique échappe, ulcérée que le même modèle se reproduise depuis des siècles.

Elie Domota est directeur adjoint de l'ANPE. Il a été recruté dans l'agence où il était inscrit, après en avoir été radié. Ce garçon-là ne fait rien comme tout le monde. Et pourtant, c'est en lui que la majorité se reconnaît.


Béatrice Gurrey

Parcours

1967
Naissance à Saint-Claude (Guadeloupe).

1984
Part faire ses études à Limoges.

1991
Retour au pays natal.

1993
Devient militant à l'UGPG.

2008
Secrétaire général de l'UGPG.

2009
Prend la tête du mouvement social.

 

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