Guadeloupe. Le dernier match de Jacques Rugard

Guadeloupe. Le dernier match de Jacques Rugard

 

Jacques Rugard est donc mort. Jean Chomereau–Lamotte, grande figure du journalisme sportif, récemment disparu, qui l’avait bien connu et apprécié, aurait été heureux de pouvoir nous raconter dans le détail l’épopée de ce grand « patron » de la LGF. Dirigeant du Club saintannais, Jacques Rugard a été un vrai militant de la cause du foot caribéen. Il était, d’ailleurs, très connu à la Concacaf. Lors d’un récent passage en Guadeloupe, le Trinidadien Jack Warner, président de la Caribbean Football Union (CFU) et non moins vice-président de la FIFA, n’avait pas manqué de le saluer. C’était en 2008. 

Quand, à la fin des années 60, Jacques Rugard succède au Dr Chartol à la tête de la LGF, il n’a qu’une idée en tête : ouvrir le foot guadeloupéen vers sa région naturelle, la Caraïbe. Des années durant, il se battra avec opiniâtreté pour faire triompher cette idée. Pas facile quand entraîneurs et dirigeants du foot guadeloupéen de l’époque, aliénés, n’ont les yeux tournés que vers la France. On est alors plus intéressé par la Coupe de France que par des rencontres avec les équipes de la Caraïbe. 

Rugard, qui a été proche des milieux nationalistes, alors qu’il était encore étudiant, avait très tôt compris que la popularité du sport en général et du foot en particulier, pouvaient plus aisément permettre aux Guadeloupéens de s’intégrer dans la Caraïbe. Son combat n’a pas toujours été très facile. Les dirigeants du foot français, (la LGF dépend de la Fédération française de football) ne voyaient pas d’un bon œil la volonté tenace de Jacques Rugard de vouloir donner une dimension caribéenne au foot guadeloupéen. 





Quarante ans après, Jacques Rugard peut rentrer aux vestiaires de la vie, très satisfait, car depuis qu’il a quitté la présidence de la LGF, son flambeau a été repris. Guy Roch, qui est l’un de ses successeurs, a permis aux Gwada Boys de donner à la Guadeloupe plus de visibilité dans l’espace caribéen. Jacques Rugard a donc gagné son dernier match.Jacques Rugard était né au Moule en 1934. Issu d’une fratrie de neuf enfants dont certains ont porté les couleurs de la Juventus et parfois de la sélection nationale de la Guadeloupe.  Le bac en poche, il s’installe à Bordeaux, où il effectue ses études de médecine. Plus tard, il dira à Jean Chomereau-Lamotte : « J’y ai vécu pendant dix ans et j’ai même habité à proximité                                       
immédiate du parc Lescure, l’antre des Girondins de Bordeaux. C’est de là que date ma passion dévorante pour le football ».

Président de la LGF, il sera simultanément Secrétaire général de l’ Union du football caribéen (UFC). L’UFC a ensuite intégré la Concacaf. L’admission de la Guadeloupe au sein de cette organisation ne fut pas chose facile. Le déclic est intervenu lors d’une rencontre du championnat du Monde junior opposant la sélection de la Guadeloupe à Cuba, à Vancouver au Canada. « Par la suite, nous avons intégré la Concacaf, et je suis fier d’y avoir grandement contribué », se souvient-il.

En 2007, après le parcours des Gwada Boys à la Gold Cup, interrogé par Jean Chomereau-Lamotte, il dira : « Quel parcours remarquable ! Nous avons damé le pion à Haïti et au Canada et nous ne nous sommes inclinés face au Mexique que sur la plus petite des marques. Il faut souligner aussi un changement de mentalités. Car nous avions depuis fort longtemps déjà approché des Guadeloupéens évoluant au plus haut niveau, mais hélas, nous nous sommes heurtés à la gourmandise des dirigeants de clubs professionnels qui exigeaient des sommes très élevées pour mettre leurs joueurs à notre disposition ». 

Jacques Rugard meurt le jour même où une délégation de jeunes Gwada Boys quitte la Guadeloupe pour le Guatemala où se jouera la phase finale de la Gold Cup.