Claude Guéant ou le racisme assumé

Claude Guéant ou le racisme assumé

Les récents propos du ministre de l'Intérieur sur les civilisations n'ont pas fini de susciter des réactions : L'Observateur Paalga, quotidien burkinabé, en arriverait presque à préférer la franche xénophobie du Front national à cette nauséabonde opération de ratissage de l'électorat.

quatre-vingt-dix jours de la présidentielle française [le premier tour aura lieu le 22 avril prochain], ça commence à bouillonner sérieusement dans les états-majors de campagne, y compris ceux des candidats non encore déclarés, comme c’est le cas du président sortant, Nicolas Sarkozy. Tantôt chef d’Etat en exercice, tantôt candidat, il préfère laisser ses lieutenants, porte-flingues et autres seconds couteaux donner la réplique à ses adversaires, au premier rang desquels François Hollande et son PS.

Et il y a de quoi faire, car à trois mois de l’échéance tous les observateurs de la scène politique française se demandent quel miracle viendra sauver le successeur de Jacques Chirac du naufrage, dans la mesure où, depuis belle lurette, les sondages le donnent perdant. Et récemment, lui-même n’avait pas, semble-t-il, exclu cette éventualité lorsqu’il s’était laissé aller à des confidences. Un moment de faiblesse vite passé, car celui qui a fait de la présidence française la quête de sa vie n’est pas homme à renoncer. Et ni lui ni les siens ne se priveront d’aucun moyen ou argument pour faire mentir les enquêtes d’opinion qui leur sont si défavorables.

De l’image modelée et remodelée de l’hyperprésident prêt à tous les sacrifices pour sauver la France de la débâcle financière et économique au moins reluisant désossage du programme des socialistes et de leur champion [lors de la convention UMP du 18 octobre dernier], en passant par une cour assidue auprès de l’électorat centriste, voire d’extrême droite, tout y passe, la fin justifiant les moyens. Et la dernière sortie controversée de Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, participe sans doute à ce ratissage. Pour lui en effet, il est clair que “toutes les civilisations ne se valent pas”. Et alors que beaucoup de ses compatriotes pensaient à un dérapage incontrôlé, il a persisté et signé, assumant l’entièreté de ses propos pour le moins ethnocentristes et même racistes.

Quelle idée a-t-on de hiérarchiser les cultures si ce n’est dans un dessein politique nauséabond ? Aujourd’hui les civilisations, demain les religions, jusqu’où iront les comparaisons dans un pays qui, depuis longtemps, a mal à sa diversité ? Oui, on l’a compris, ce serviteur froid et zélé ne reculera devant rien pour éblouir les yeux de la belle Marine (Le Pen) [présidente du Front national et candidate à la présidentielle], lui qui n’en est pas à sa première tentative : l’an dernier, en effet, en bon ministre de l’Intérieur, il s’était inquiété du nombre croissant des musulmans dans l’Hexagone. En vérité, l’ancien préfet a de qui tenir, car son mentor lui-même, dans un discours resté tristement célèbre [à Dakar, le 26 juillet 2007], avait déclaré de façon péremptoire devant un aréopage d’étudiants, d’éminents enseignants et de personnalités politiques que le “drame de l’Afrique” vient du fait que “l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire…”. Il aura eu beau tenter de le réparer quelques mois plus tard au Cap, le mal était fait.

On comprend aujourd’hui que l’indignation ait gagné les rangs de l’Assemblée nationale, où le député de Martinique apparenté PS Serge Letchimy a comparé [le 7 février] les propos du premier flic de France sur les civilisations à l’idéologie nazie ["Vous, M. Guéant, vous privilégiez l’ombre, vous nous ramenez jour après jour à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration"]. En tout cas, comparé ou pas aux chemises brunes, le célébrissime M. Guéant reste droit dans ses bottes avec le soutien d’une bonne partie de son clan, le Premier ministre [François Fillon] et son gouvernement ayant quitté l’hémicycle en guise de protestation contre les déclarations du député martiniquais.

Tout compte fait, on se surprend à préférer ceux qui, comme Le Pen, sont franchement racistes et xénophobes aux autres, qui préfèrent louvoyer entre leurs aspirations réelles et les diktats du politiquement correct. L’ex-patron du FN [Jean-Marie Le Pen] avait raison au moins sur un point : pourquoi les Français, qui ne sont pas dupes, se contenteraient d’une pâle copie alors qu’ils pourraient se procurer l’original ?