l’idéologie coloniale grise la France d’en haut

Pire qu’au dix neuvième siècle, l’idéologie coloniale grise la France d’en haut

"Nous n’aurions jamais dû abandonner au Front national un certain nombre de valeurs qui font partie du patrimoine républicain" a dit Eric Besson.

"Nous n’aurions jamais dû abandonner au Front national un certain nombre de valeurs qui font partie du patrimoine républicain" a dit Eric Besson.

Le ministre propose même au bon peuple des cours de rattrapage en patriotisme. Il faut bien récupérer ces valeurs ô combien valorisantes chapardées par ces extrémistes sans vergogne !

Que signifie cette obsession identitaire, ce repli sur soi, alors que les chantres de "l’identité nationale" sont ceux-là mêmes qui prônent le libéralisme le plus agressif et dont les troupes continuent d’ investir l’Afrique et l’Asie au nom de je ne sais quelles ingérences !

A quand donc un commissaire à l’identité nationale comme il fut le cas à pendant la seconde guerre mondiale ? Ceux qui s’en souviennent savent à quel point l’identité nationale était le leitmotiv des Pétain, LAval, Xavier vallat etc... Aujourd’hui, tout comme aux jours les plus noirs de la république, face aux français de pure souche sont mis à l’index, stigmatisés les impurs ( les "jeunes" des banlieues, les voilées, les Dieudonné, etc...) Pas besoins de leur flanquer une étoile jaune, ils sont facilement repérables au faciès !

Sommes-nous en train d’assister à une marche à rebours de l’histoire ?

Avec sa franchise habituelle, le président Nicolas as Sarkozy, dans son discours de Dakar révèle au grand jour ce qui, jusqu’à présent, relevait du non-dit :

"Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire" [...] "Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance" [...] "Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès"

La sentence tombe comme un couperet : voilà que les africains sont exclus de la linéarité historique, englués dans un temps cyclique et infantilisés, incapables de se projeter dans l’avenir ! Encore un peu et ils seraient réduits à des êtres sensitifs dépourvus d’intelligence comme l’affirmait Gobineau au 19eme siècle :

"...Si ses facultés pensantes ( celles du noir)sont médiocres ou même nulles, il possède dans le désir, et par suite dans la volonté, une intensité souvent terrible. Plusieurs de ses sens sont développés avec une vigueur inconnue aux deux autres races : le goût et l’odorat principalement..."

A Tunis, en mai 2008, Sarkozy se prend pour Martin Luther King, avec son "J’ai fait un rêve" qui plagie le célèbre "I have a dream" du pasteur américain :

"J’ai fait un rêve, c’est que les peuples de la Méditerranée du Nord et du Sud soient aussi imaginatifs et courageux que les peuples del’Europe continentale"

Dans un deuxième discours toujours à Tunis :

"Vous avez une main d’œuvre qui ne demande qu’à être formée, nous avons beaucoup d’intelligence et beaucoup de formation. (...) Ensemble, avec votre main d’œuvre, avec nos écoles, nos universités, avec ce que nous échangerons, nous pouvons créer un modèle qui triomphera dans le monde entier"

Oui, le modèle, nous le connaissons déjà ! Le chef de l’état français semble confondre, de la manière la plus innocente, nostalgie et prophétie ! Ce futur radieux qu’annonce le discours sarkosien n’est autre qu’une lassante redondance de la pensée coloniale du 19eme siècle, un discours imbu de paternalisme et d’eurocentrisme ethnique et épistémique, crachant le mépris, infantilisant l’altérité, réduisant les autres peuples à de simples masses musculaires, sans intelligence et sans imagination !

Cette forme de coopération envisagée par le président français n’est pas sans nous rappeler "la conquête morale" de Georges Hardy, au début du 20eme siècle. Ce théoricien du "colonialisme conscient"croyait dur comme fer que le colonialisme n’est pas synonyme de conquête, mais chargé d’une mission : " le rayonnement des valeurs républicaines parmi "les races (inférieures) que le hasard nous a confiées".

Cette noble mission dont semble vouloir se charger le chef de l’état français témoigne d’une générosité exemplaire lorsqu’on sait tous les soucis que lui causent les problèmes économiques et sociaux à l’intérieur de l’hexagone.

Mais un tel mariage entre l’intelligence et le muscle ne constitue-t-il pas une mésalliance ? !

Ou alors, monsieur Sarkozy, n’est-il pas en train de nous proposer tout bonnement un mariage gris ...une duperie de plus ?

L’extraction de l’uranium au Gabon et au Niger par des groupes miniers français est un exemple qui illustre si bien le triomphe de ce modèle de civilisation tant chanté par M.Sarkozy : terre irradiée, eau irradiée, habitations irradiées, population condamnée, ouvriers leucémiques sans prise en charge médicale, sans protection sociale...

C’est certainement dans le but de concrétiser son modèle rêvé que le président ne cesse d’œuvrer pour que règne l’harmonie entre "l’intelligence française" et "la main d’oeuvre" immigrée. Depuis les dernières élections présidentielles, les gouvernants français ne font que stigmatiser les magrébins et leur religion, exacerbant le communautarisme, attisant les haines raciales, dressant les groupes sociaux les uns contre les autres.

Ce double discours qui n’arrête pas de s’empêtrer dans des dissonances insupportables est devenu, du point de vue de la forme, le trait de style propre aux orateurs au pouvoir en France. Il en est tout autrement du contenu qui n’a pas varié d’un iota par rapport au discours colonial du dix-neuvième siècle. C’est ce qui fait l’originalité du discours néo-colonial français face au discours néo-impérial étasunien.

Fethi GHARBI