Les bonnes affaires de la Coupe du monde de football

Les bonnes affaires de la Coupe du monde de football

 

Les fabricants de téléviseurs se frottent déjà les mains : la Coupe du monde de football, qui débute le 11 juin en Afrique du Sud, leur fait miroiter un boom des ventes d'écrans plats. Environ 250 000 postes de télévision supplémentaires devraient trouver preneurs grâce au ballon rond, selon Bernard Heger, délégué général du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec). Mieux, précise-t-il, cet événement produit "un double effet" : pour suivre la compétition, les Français achètent leur téléviseur "par anticipation", et ils choisissent surtout des écrans plats. Plus haut de gamme, et donc plus chers.

En 2006, le Mondial organisé en Allemagne avait donné le coup d'envoi de la télévision en haute définition (HD). A l'époque, TF1, M6 et Canal+ avaient testé la diffusion de matches en HD sur des canaux libres de la télévision numérique terrestre (TNT). Quatre ans plus tard, la HD laisse la place à la 3D. Cette fois, Canal+ et TF1 comptent utiliser cet événement planétaire comme tremplin pour la télévision en relief. La chaîne cryptée lance Canal+ 3D, qui diffusera une dizaine de matches en direct. Plus modeste, TF1 proposera cinq rencontres en 3D. Des matchs également diffusés par Orange.

En France, selon le Simavelec, le Mondial devrait faire vendre "environ 100 000 écrans plats 3D". Une goutte d'eau dans l'océan des 8,5 millions d'écrans plats sans doute vendus en 2010 : un ménage français sur trois va s'acheter un téléviseur, prévoit le syndicat, alors que les ventes n'avaient atteint "que" 5 millions d'unités en 2005, année du lancement de la TNT.

Les vendeurs de téléviseurs ne sont pas les seuls gagnants de la Coupe du monde. Le jackpot est décroché par l'organisateur, la Fédération internationale de football (FIFA), qui engrangera près de 2,6 milliards d'euros, dont 1,6 milliard grâce aux contrats de diffusion des matches.

TF1 a payé 120 millions d'euros pour diffuser des matches - le ticket le plus élevé qui pourrait ne pas être le plus déficitaire. Pour alléger sa facture, la Une a partagé les droits de diffusion avec France Télévisions et Canal+ : le service public a versé 25 millions d'euros pour diffuser 34 matches (seulement 8 à une heure de grande écoute) ; Canal+ a déboursé 8 millions pour proposer l'intégralité de la compétition, mais en crypté. Au total, l'addition de TF1 s'élève à 87 millions d'euros pour 27 matches (3,2 millions d'euros par rencontre). Il y a quatre ans, l'ardoise de la chaîne privée s'était élevée à 108 millions d'euros pour 24 matches soit 4,5 millions l'unité.

Côté audience et publicité, TF1 espère que "l'équipe de F rance passe le premier tour". Les tarifs publicitaires varient, en effet, du simple au double si les Bleus sont présents ou éliminés. S'ils parviennent en finale, TF1 a déjà prévu de commercialiser le spot le plus cher de son histoire : 300 000 euros brut les trente secondes ! Sans les Bleus, le prix du spot baisse de moitié, à 150 000 euros. Selon l'agence Reload (groupe Publicis), les recettes publicitaires nettes de TF1 pourraient osciller entre 53 et 63 millions d'euros.

Pour France Télévisions, la Coupe du monde devrait se révéler une bonne affaire. Le service public a déjà engrangé 10 millions d'euros de parrainage et de recettes publicitaires nettes. Grâce au foot, le groupe dirigé par Patrick de Carolis espère "booster son audience, à l'image de ce que lui apporte le Tour de France", prévoit Daniel Bilalian, directeur des sports.

Canal+ a des attentes plus modestes. La diffusion de la Coupe du monde est "essentiellement un investissement d'image", explique Rodolphe Belmer, son directeur général. La chaîne cryptée veut proposer son "expertise au-delà de l'émotion" pour retenir ses abonnés. Elle sait que "plus la compétition avance, plus l'enjeu est émotionnel, et plus les gens regardent les chaînes en clair". Un effet dit de "communion" notamment constaté en 1998.

Pour rentabiliser leurs investissements, les chaînes misent sur le désir des sponsors et des annonceurs d'être présents lors de la diffusion de cet événement synonyme de record d'audience. Or, pour cette édition 2010, de nouveaux annonceurs devraient faire leur apparition. Et d'abord les opérateurs de paris sportifs sur Internet. Les concurrents de la Française des jeux (FDJ), qui va perdre son monopole, sont prêts à lancer leur offensive publicitaire dès que l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) leur aura donné leur agrément, qui doit tomber mardi 8 juin. Le PMU a déjà préempté le parrainage de la diffusion des matches sur TF1. La Française des jeux a répliqué en parrainant les matches sur France Télévisions et Canal+. Les autres dévoileront leurs cartouches au dernier moment.

Parmi les grands annonceurs prêts à en découdre sur le terrain publicitaire, comme sur le terrain commercial ou sportif figurent les équipementiers. L'allemand Adidas, qui continue à revendiquer la place de leader du marché mondial du football, espère faire plus de 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires, le montant record atteint en 2006 alors que la Coupe du monde se jouait pour lui à domicile. Il avait vendu 10 millions d'exemplaires du ballon officiel, dont 1 million en France.

Cette année, le "Jabulani", nom donné au ballon de la Coupe du monde, essuie la critique de certains joueurs. La bataille est serrée avec Nike, qui revendique un chiffre d'affaires de l'ordre de 1,4 milliard d'euros sur ce marché estimé, en 2008, à 8,4 milliards au niveau mondial et à 400 millions en France par l'institut NPD. Il juge que l'"effet mondial" devrait faire progresser ce marché de 10 % en 2010, après, il est vrai, une baisse de régime en 2009. 



"Je ne pense pas que ce soit une course à deux, mais à trois chevaux", estime Jochen Zeitz, PDG de Puma. L'outsider, qui sponsorise l'équipe d'Italie tenante du titre, mise sur l'Afrique depuis quelques années, pour parfaire son image "cool". Il espère bien en tirer les bénéfices, alors que la Coupe du monde se joue sur ce continent.

Guy Dutheil et Laurence Girard