Niveau scolaire en baisse, niveau de colère en hausse..

Niveau scolaire en baisse, niveau de colère en hausse..

Le niveau scolaire à l’école primaire et au collège baisse depuis dix ans. C’est ce qu’annoncent aujourd'hui certains médias à partir d’une étude de l’institut Montaigne. Certains en cherchent les causes et font des propositions. Il paraît que c’est lié aux rythmes scolaires, à l’enchevêtrement inefficace des soutiens aux élèves en difficulté, à la formation des enseignants, à la dévalorisation de la profession, au pédagogisme, à la perte des valeurs d’autorité, à bien des choses encore.

 

Pourtant la réalité saute aux yeux.

 

Qu’aiment faire les enfants pour s’occuper l’esprit ? Jouer sur leurs consoles et regarder la télé. Bref au lieu de regarder des livres, des revues ; au lieu de faire des jeux de société où ils exerceront leur compréhension, leur intuition, leur logique, leurs capacités d’observation, leur mémoire, leur aptitudes à analyser, à synthétiser, à élaborer une stratégie dans des activités diverses et variées, ils se plantent devant des écrans, se plantent à l’école et se plantent entre eux devant les profs au collège.

 

Un reportage au Venezuela m’avait frappé. Le tant décrié Hugo Chavez avait mis en place un service expérimental de bibliobus à destination des coins les plus reculés de la région de Caracas. Une fois par semaine, le bus se rendait dans des vallées, des campagnes perdues. Et quand c'était trop inaccessible, les livres étaient acheminés à dos de mulet. Une fois par semaine, des dizaines d’enfants en haillons l’attendaient avec impatience. Des enfants qui allaient à l’école publique "bolivarienne" mais n’avaient pas de livre à lire. Ceux qui savaient déjà lire lisaient pour ceux qui ne savaient pas encore, ceux qui savaient très bien lire aidaient ceux qui se débrouillaient mal.

 

Des enfants qui jouaient avec rien et cherchaient dans les livres, les rêves des autres pour les confronter aux leurs, puis trouvaient le savoir des autres pour s’en nourrir et ainsi grandir.

 

Certes, il existe des tas de jeux, d’activités informatiques qui stimulent l’intellect des enfants français. Mais quelles sont les jeux, les activités qu’ils choisissent ? Ceux et celles où il n’y a pas grand-chose à comprendre ou alors de façon holistique, ceux et celles où on avance en tâtonnant, en recommençant sans cesse jusqu’à ce que, soit par hasard, soit par élimination, soit grâce à une intuition qui éclaire, on trouve la soution. Ainsi, on se donne l’illusion d’être génial. Des activités, des jeux qui stimulent plus le narcissisme que les fonctions cognitives.

 

Et puis, il y a l’internet. On pourrait penser que c’est un accès formidable à la culture y compris pour les enfants. Oui, beaucoup connaissent les sites encyclopédiques, juste pour trouver un document et l’insérer dans une exposé ou un devoir et avoir une bonne note. Mais, dans leurs moments de liberté, sur quels sites vont-ils ? Des blogs ? Rarement ! Ils vont plutôt sur des sites de jeux ou des sites qui parlent des fameux jeux, ils en téléchargent les démos avant de chercher sur un autre site quelque astuce pour démêler une situation de jeu inextricable et finir en regardant quelque vidéo spectaculaire style Rémi Gaillard.

 

A cet âge, on est dans la recherche d’une aventure hallucinatoire car virtuelle. On se prépare à devenir consommateur d'images puis, si rien ne se passe, à devenir "voyeur" à défaut de voyant.

 

Après tout, les parents font pareil avec la téléréalité, les séries violentes, leurs matchs de foot où les supporters se houspillent violemment avec doigts d'honneur et injures.

 

On estime le temps moyen passé devant un écran (télé et console) chez un enfant de 10 ans, à trois heures par jour.

 

Oui, les rythmes scolaires sont à revoir, oui l’organisation des classes et de l’enseignement doit être examinée à la lumière des expériences finlandaises ou allemandes, oui, les contenus très diversifiés des programmes ont fait diminuer le temps passé à étudier la langue orale et écrite et l’arithmétique. Tout cela est absolument vrai.

 

Mais on ne m’ôtera pas de l’idée que l’envie de savoir, de se cultiver, de se développer implique une éducation initiée par les parents dés la petite enfance. Ne serait-ce qu’une éducation par l’exemple. Et c’est sans doute ce qui explique que l’écart entre le niveau des enfants de milieu défavorisé et celui des enfants socialement à l’aise se creuse de plus en plus. Les uns n’ont pour ainsi dire pas le temps ou pas assez de moyens pour mieux ouvrir l’esprit de leurs petits. Les autres se débrouillent pour passer du temps, pour encourager leurs enfants sans trop montrer leur agacement ou leur payer des cours particuliers.

 

Et comme un jour, les enfants en échec seront parents à leur tour, on est dans une spirale de l’inégalité scolaire qui n’en finira pas.

 

Finalement, les parents consommateurs ont des enfants consommateurs. Des enfants comme eux. La violence scolaire ? La violence de ceux qui ont moins et en veulent à ceux qui ont plus et mieux. Ils n'ont pas alors ils en veulent aux autres d'avoir ce qu'ils veulent!

Une violence de consommateur insatisfait, la fougue de la jeunesse en plus, la tolérance à la frustration en moins ; une violence de client en colère, le sentiment de toute puissance en plus, la tendance à la résignation en moins.

 

Au bout d’un moment, au collège, ceux qui ont compris leur désarroi préfèrent éviter d’y mettre les pieds.

 

Et tout ce qu’on trouve d’intéressant à faire, c’est supprimer les allocs aux parents d’enfants qui sèchent…