Brother Jimmy:" le reggae existera car c'est LA VOIX DES SANS VOIX"

  Brother Jimmy:" le reggae existera car c'est LA VOIX DES SANS VOIX"

 

A l'occasion d'une thématique consacrée au reggae, le site www.caraibcreolenews.com a interrogé Brother Jimmy sur le sujet. Nous vous soumettons les grandes lignes de cette reflexion très interressante pour pour comprendre l'évolution de cette musique dans nos contrées et au dela des frontières. On a  le sentiment que le Reggae , qui a été la musique des pauvres, de  desherités, des jeunes rebelles  n'est  plus ce qu'il était aussi bien dans la Caraibe, qu'en Gwada et qu'il ne touche plus les masses ?  comment expliquez cette perte  d'influence ?  

 

Brother Jimmy: Je ne suis pas certains que le reggae soit en perte d'influence dans la caraibe anglophone par exemple. Quand j'ecoute les programmations musicales des radios jamaicaines, barbadienne ou trinidadienne, je constate que le reggae est encore tres présent avec les anciennes generations comme BOB, Bunny WAILER, Peter TOSH, Jacob MILLER etc...Mais ce sont surtout les "nouveaux artistes roots" que l'on entend beaucoup. TARRUS RILEY, JAH CURE, I-OCTANE en font partie. Et la génération intermédiare est toujours très présente, des chanteurs comme BERES HAMMOND, SANCHEZ ou COCOA TEA sont régulièrement joués sur les ondes et programmés dans les festivals. Et ce malgré l'avènement du dance hall on y reviendra plus tard...
Il faut noter que les jeunes caribéens ont beau etre "fou" de dance hall mais n'en oublie pas leurs "classics" de reggae, je m'explique: chaque année depuis 5 ans je suis present au festival reggae sumfest qui a lieu au mois de juillet à la Jamaique, et chaque année des légendes sont programmés (John HOLT, Freddie Mc GREGOR, Junior REID, MIGHTY DIAMONDS, et bien d'autres encore) et à chaque fois je suis agréablement surpris de voir les jeunes jamaicains reprendre toutes leurs chansons en choeurs.
 
Carolyn COOPER, spécialiste du reggae à la Jamaique m'expliquait un jour que le reggae restera toujours l'âme de la Jamaique car c'est la conscience du peuple. Tous les jours des émissions spéciales reggae roots sont programmés dans les radios (caraibe anglophone, USA), les jeunes ne peuvent pas perdre leurs repères. 
 
En Guadeloupe, il y a une vraie perte d'influence. Les médias  ne considèrent pas le reggae à sa juste valeur. Les valeurs positives du reggae n'ont pas été assez mise en avant. L'africanité, la solidarité, le combat contre l'alliénation, le pouvoir de donner la parôle aux gens du peuple n'ont jamais été vraiment pris en compte par les médias. Les animateurs radios et télés ne se sont pas assez interessés en profondeur à cette musique, à cause de leurs préjugés mais aussi à cause de leur manque de connaissance, il faut avouer que la barrière de la langue n'a pas facilité les choses non plus.
 
Disons les choses comme on les pense.
 
Certains acteurs du mouvement sound system n'ont pas rempli le rôle qu'ils auraient du tenir. Quand eut lieu les championnats de France des sounds systems beaucoup ont couru après le titre de champion sans se préoccuper de l'évolution musicale sur le terrain. La fréquence des sounds a largement chuté en Guadelopue après que le Karukera Sound System ai posé ses platines pour des raisons personelles que je n'évoquerai pas dans cette article (ça ne servirait pas le mouvement). 

Les jeunes se sont retouvés sans repères historiques et musicales, chacun voulant devenir le nouveau ADMIRAL T. Nous sommes passé du collectif à l'individuel. Au sein même du KSS, l'esprit d'équipe n'existait plus et chacun voulait faire son album...On connait la suite.
Malheureusement cet état d'esprit s'est propagé dans tous le milieu ce que je regrette. Combien de jeunes sont venus me voir pour les produire comme "ADMIRAL T" me disait-il. Mais combien d'entre eux s'intéressait à l'histoire du reggae ? Combien d'entre eux s'intéressait aux pionniers de cette musique aux antilles et ailleurs ? Malheureusement aucun de ceux qui sont venus me voir. TOUS voulait être disque d'or et voulait une "ferrari".

Preuve de ce que j'avance: un dvd intitulé DANCE HALL STORY censé retranscrire l'histoire du reggae dance hall en Guadeloupe à été réalisé par des jeunes qui n'ont pas jugé bon d'interroger certains pionniers et acteurs de ce mouvement auquel ils ont adhéré grâce au travail de ces derniers. Comment expliqué cela ? Comment peut on faire un dvd retraçant l'histoire d'un mouvement sans tenir compte de l'avis certaines personnes qui sont incontournables quand on parle de REGGAE en Guadeloupe ? 
 
Mon acolyte Teddy ISIMAT-MIRIN me disait que le guadeloupéen est devenu un consommateur passif et ce dans tous les domaines. Quand on analyse ses propos de plus près on s'apperçoit de la justesse de ces maux.
 
A la Martinique, c'est différent le reggae est plus présent sur les ondes. Exemple avec radio liberté qui passe autant de reggae que de dance hall. A noter que les mouvements RASTAS ont eu aussi un rôle à tenir. A la Martinique, les rastas sont beaucoup plus structurés et donc respectés qu'à la Guadeloupe. C'est un constat. Je ne rentrerais pas dans les détails mais j'assume mes écrits.

Il y a plus de cérémonies religieuses et de sounds system à la Martinique, ce qui contribue à promouvoir le reggae. Dans les fêtes de communes il y a toujours une programmation reggae soit avec des artistes ou avec des sounds systems. A la Martinique le reggae n'a pas été aussi diabolisé  qu'en Guadeloupe par les autorités et par la société.
 
En Europe c'est différent. La culture reggae est très forte et respectée à sa juste valeur, chaque année il y a un nouveau festival de reggae qui prend naissance sur ce continent, à notre que le deuxième plus grand festival reggae au monde (après le sumfest) est le SUMMER JAM programmé en Allemagne chaque année depuis plus de 20 ans. N'oublions pas que BOB MARLEY avait réuni plus de 100 000 personnes au stade de MILAN en 1980. C'est logique que le reggae soit très présent en Europe car les populations européennes ont toujours soutenu la cause tiers-mondiste qui a évolué aujourd'hui vers ce qu'on appelle  l'alter-mondialisme.  Le reggae est une musique rebelle, toujours en quête d'égalité et de justice  il ne faut pas l'occulter bien au contraire.
 
Le  reggae est-il toujours vivant ? Pourquoi le reggae n'a plus de voix  sur le plan  mondial ? Est-ce la fin du reggae?

BJ: (rires) Régulièrement depuis des années, j'entends cette fameuse phrase "roots reggae is dead now", en français ou en créole. Depuis la mort de Bob MARLEY nous entendons que le reggae va mourir et pourtant en 2008 nous avons fêté les 40 ans du reggae et nous fêterons ses 50 ans j'en suis sur. 
 
Le reggae à toujours des voix qui s'élèvent pour proner l'amour, la tolérence , le respect mais cela intéresse t-il encore les médias? Intéresse t-il encore la société tout simplement ? Le contexte a changé. Dans les années 70 le socialisme avait la côte et les peuples revendiquaient plus de justice et d'égalité pour tous. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le reggae évolue avec son temps. C'est plus difficile de proner ces valeurs aujourd'hui alors que c'est l'individualisme et la réussite individuelle qui prime. De très nombreux concerts et festivals de reggae ont lieu à travers le monde, cela prouve que malgré tout ce que l'on dit que le reggae à toujours sa place dans le concert mondial.
 
Exemple avec des artistes tels que JAH CURE et TARRUS RILEY qui font le tour du monde depuis 2 ans non stop. Des chanteuses comme ETANA et QUEEN IFRICA sont très diffusés sur les ondes américaines et caribéennes. C'est la diffusion du reggae qui est en baisse dans les médias et automatiquement moins d'artistes se lance dans le roots comparés aux années précédentes mais il reste toujours présent et son message est toujours aussi puissant quand il aborde les thèmes énoncés plus haut. Exemple: le titre "she's royal" de TARRUS RILEY à remporter beaucoup de succés et de récompense malgré l'avènement du dance hall.
 
Le dance-hall,  est il   aussi subversif que le reggae, a t il remplacé le reggae?

BJ: Le dance hall et le reggae sont complémentaires. Le reggae travaille les consciences et le dance hall fait bouger le corps. Le dance hall est très populaire chez les jeunes car il permet de se défouler sur les dance floors ou dans les clubs. Le dance hall est le reflet des sociétés dans lesquels nous vivons.

Je m'explique. Si vous regardez l'évolution de cette musique et de ses parôles, vous verrez que c'est à l'image de ce que nous voyons dans la société et sur nos  écrans où l'on fait l'apologie du sexe, de la violence, du bling bling etc... La conscience à aussi sa place dans le dance hall mais ce n'est pas assez mis en avant par les médias. Mais nous devons avouer qu'un fort pourcentage de cette musique programmé dans les radios et tv ne parlent pas de conscience. Là encore, la perception peut changer d'un pays à l'autre. A la Jamaique un jeune universitaire écoute et danse sur du dance hall sans se prendre pour un authentique GANGSTER ce qui n'est pas le cas de beaucoup de jeunes de chez "nous". Une expression comme "Bomboclothes" que l'on entend trop souvent dans la bouche de jeunes antillais n'est pas perçu de la même façon à la Jamaique qu'en Guadeloupe.

A noter que le dance hall kréyol à un fort pourcentage de chansons à textes conscients. Des artistes comme TIWONY, FEFE TYPICAL, le KSS, ADMIRAL T avec "Mozaïk kréyol", DADDY PLEEN, JANIK, METAL SOUND, STRAÏKA, LUSDY et bien d'autres encore ont contribué à installer cette conscience. En revanche , depuis quelques années on assiste à une déviance vers le bling bling et le sexe par certains artistes locaux. Ils remportent du succés comme les jamaicains et autres artistes caribéens qui font de même. Selon moi c'est "sociétal", tout le monde court après l'argent facile et ne veut plus se casser la tête pour avoir un boulot ou pour écrire un texte conscient qui ne sera "peut être" pas mis en avant par les animateurs radios et tv, donc c'est plus facile de faire du "léger" et ça ne dérange personne.

Quand vous avez vos meilleurs artistes qui traverse une crise comme celle du LKP où la Guadeloupe est resté bloqué 44 jours sans que ces messieurs et dames en fassent référence dans leurs textes, sans qu'ils prennent position d'une manière ou d'une autre, vous vous dites éffectivement que les valeurs du dance hall ne sont pas les mêmes que le reggae. Mais ça c'est la "faute" des acteurs pas de la musique.
 
En conclusion le dance hall ne remplacera jamais le reggae même si son heure de gloire perdure. Le reggae c'est le battement de coeur du peuple, donc tant que les populations du monde entier subiront des oppressions de la part des gouvernements, le reggae existera car c'est LA VOIX DES SANS VOIX.
 
Brother Jimmy.
 
PS: N'oublions jamais que le dance hall est l'enfant du reggae (sa mère) et du sound system (son père). Rires.
FOS DANIK A PI TA.