Jesse Jackson : Dr Martin Luther King : Mort pour ses idées et l’engagement de toute une vie !

Nous devons au Dr King de l’honorer dans toute sa dimension : radical, œcuménique, pacifique, pro-immigrant, et défenseur acharné des pauvres.

Jesse Jackson, ancien assistant du Rev. Dr. Martin Luther King Jr. 3 Avril 2018

Alors que la nation américaine commémore le 50 ème anniversaire de l’assassinat du Révérend Dr. Martin Luther King, nous devrions nous attacher davantage à la façon dont Dr King a vécu, plutôt que celle dont il est mort.

Il a mobilisé les actions de masse pour obtenir le droit de vote. Il a organisé le boycott des bus de Montgomery et fait face à la terreur de la police de Birmingham. Il nous a permis de franchir le pont souillé de sang à Selma et de survivre à la haine que nous subissions à Chicago. Il a globalisé notre lutte pour mettre fin à la guerre du Vietnam.

Mort pour ses idées et l’engagement de toute une vie !

Alors qu’il s’apprêtait à aller au delà du mouvement de déségrégation et du droit de vote, de façon à focaliser ses actions sur la justice économique, l’antimilitarisme, et les droits humains, le système s’est retourné contre lui. Durant les derniers mois de sa vie, il a été attaqué par le gouvernement, la presse, ses anciens alliés, et le lobby militaire. Même les Démocrates Noirs lui ont tourné le dos suite à son opposition à la position officielle du partie qui soutenait la guerre du Vietnam.

Un très grand nombre d’Américains avait une vision négative du Dr King, selon des enquêtes d’opinions. Un homme de paix, mort violemment. Un Homme d’amour, haïs de beaucoup.

L’Amérique déteste les marcheurs mais adorent les martyrs. La balle de Memphis a fait du Dr King un martyr pour l’éternité.

Nous le devons au Dr. King _ ainsi qu’à nos enfants et nos petits enfants_ de commémorer l’homme dans toute sa dimension : Radical, œcuménique, pacifique, pro-immigrant, et défenseur acharné des pauvres qui a passé beaucoup plus de temps a marcher et aller en prison pour l’émancipation et la justice qu’il n’a passé à rêver de tout cela.

C’est une période difficile pour moi, car c’est celle où l’on me demande de me souvenir de la nuit la plus traumatisante de ma vie.

Nous étions venus à Memphis en 1968 pour soutenir des travailleurs en grève qui luttaient pour de meilleures conditions de travail et d’hygiène. Durant la nuit du 4 avril, le Dr King s’apprêtait à réunir un de nos groupes composés du Rev. Ralph Abernathy, Andy Young, Hosea Williams et Bernard Lee, pour un diner à la maison du Rev. Samuel Billy Kyles, pas très loin de notre lieu d’hébergement, le Lorraine Motel.

Alors que nous étions sur le départ, Dr King m’a fortement réprimandé, le plus jeune du groupe, à cause de ma tenue vestimentaire qui n’était pas selon lui adaptée. Je ne portais pas de cravate. J’ai osé faire une blague en retour : « Doc, la seule recommandation pour ce diner, c’est l’appétit, pas d’être bien mis ! » Nous avons ri. Dr King adorait rigoler.

Après le diner, nous nous sommes mis en route pour la conférence des travailleurs. J’avais intégré également à la manifestation, mon opération humanitaire de Chicago, Breadbasket Orchestra (Un panier de vivres). Dr King était toujours la personne la plus attendue dans toutes les villes où il passait. On exigeait toujours plus de lui, alors que la veille, il avait tenu un discours mémorable au Mason Temple à Memphis : « Nous, en tant que peuple, nous irons à la Terre Promise. »

Il pleuvait des cordes, mais le Mason Temple, partie intégrante de l’Église de Dieu en Christ, était pratiquement pleine. J’étais assis derrière Dr King durant son prêche. Il parlait avec une telle intensité et passion, que j’ai vu des hommes pleuré dans ce sanctuaire. « Je ne crains rien du tout », dit Dr King à une foule de 3000 personnes, « Je ne crains aucun homme, mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. »

Aucun d’entre nous ne se doutait que ses paroles étaient prémonitoires. Nous avions déjà vécu de telles expériences auparavant. C’était surement un déni de notre part. Alors que le danger était constamment présent, nous n’avions jamais imaginé que Martin Luther King que nous connaissions et aimions, reçu au Morehouse College à l’âge de 15 ans, diplômé et ordonné à l’âge de 19 ans, titulaire d’une thèse à l’âge de 26 ans, prix Nobel de la Paix à l’âge de 35 ans, serait mort à l’âge de 39 ans.

Ce jour du 4 avril, la balle fatale a atteint sa cible juste après 6 heures du soir. Nous allions prendre la voiture pour aller au diner. Dr King était sur le balcon du Lorraine Motel. J’étais dans le parking juste en bas.

Quelques heures plus tard, the Rev. Ralph Abernathy, le successeur du Dr King, vint à notre rencontre au Motel. Entre temps, la plus grande partie de l’Amérique urbaine était au bord de l’embrasement, ivre de colère. Nous n’avions qu’un choix : combattre notre immense colère et honorer notre saint prince de la paix en s’armant du bâton de la non-violence.

Avec une énergie profonde, le bâton fermement tenu entre nos mains, nous nous sommes rendus à la Cité de la Résurrection, une cité érigée par les soutiens de Dr King, des gens sans moyens originaires de Washington. Nous avons continué son travail de lutte contre la pauvreté et la guerre. Comme le Rev. Joseph Lowery dit, « Nous ne laisserons pas une balle tuer un mouvement. »

L’esprit de Dr King a été notre guide moral durant 50 ans. Cet esprit vie aujourd’hui parmi les étudiants de l’Université de Parkland, en considération de leur lutte nationale pour un contrôle sur les armes à feu. Il vie parmi les professeurs de West Virginia qui ont ouvert la voie pour de nouveaux travailleurs. Il vie au sein de Black Live Matter, des Dreamers, en Colin Kaepernick et aussi parmi des milliers d’électeurs Africains Américains qui ont déjoué les intentions de votes et propulsé un démocrate d’Alabama pour la première fois au Sénat. Cet esprit habite le Rev. William Barber au point d’avoir ressuscité le dernier combat de Dr King, la campagne pour les personnes démunies.

Dr King a légué aux Africains Américains la force de résistance et le droit de vote. Alors que nous marchions et gagnions, une contre offensive s’organisait pour une contre révolution. Il y a cinq décennies, un gouverneur ségrégationniste, George Wallace semait la haine et la division en réaction au mouvement des Droits Civiques.

Aujourd’hui, c’est le Président en personnes qui incite à la haine, la crainte et la division. Nous sommes dans une lutte pour sauvegarder l’âme de l’Amérique, et ce n’est pas suffisant d’admirer Dr King. L’admirer est le réduire à une simple célébrité. Cela ne demande aucun engagement, aucune action. Ceux qui approuvent des valeurs de justice et d’égalité doivent avoir le courage et la volonté de le suivre. Ils doivent être prêts à se sacrifier.

La lutte continue.

Le Rev. Jesse Jackson, ancient assistant du Rev. Martin Luther King, est le fondateur et président de Rainbow Push Coalition.

Article publié sur The New York Times