RÉVÉLATIONS SUR L’ÉLECTION EN CÔTE D’IVOIRE / DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX (ANCIEN DÉPUTÉ BELGE) : " CE QUE J’AI ENTENDU À MON HÔTEL "

RÉVÉLATIONS SUR L’ÉLECTION EN CÔTE D’IVOIRE / DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX (ANCIEN DÉPUTÉ BELGE) : " CE QUE J’AI ENTENDU À MON HÔTEL "

ET SI C'ÉTAIT DU RACISME INSTITUTIONNALISE? LIRE LE DEUXIÈME ARTICLE.

  Réseau Nerrati-press-5/3/2011

Dominique François Ugeux, diplômé en sciences politique et diplomatique, président de l’Association royale de la presse Nord-Sud, ex-député au parlement belge, en visite de travail en Côte d’Ivoire, jette un regard critique sur la crise que traverse la Côte d’Ivoire depuis dix ans.

QUESTION : Vous êtes pratiquement un Africain, pour avoir passé toute votre vie au Congo. Vous êtes certainement très préoccupé par la situation sociopolitique qui prévaut en ce moment en Côte d’Ivoire. Quel regard jetez-vous sur ce qui se passe dans ce pays ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : J’ai vécu le coup d’Etat de 1999. J’ai très mal vécu ce coup d’Etat. J’étais à l’« Hôtel du Golf » et j’entendais les tirs comme si c’était dans ma chambre qu’on tirait. Fologo était juste au-dessus de la suite que je louais, et les militaires sont venus le chercher avec une brutalité incroyable pour le conduire au camp. J’ai appelé mon gouvernement et de négociation en négociation, il a été libéré 10 jours après. J’ai vécu avec cette tension pendant 15 jours.

QUESTION : N’est-ce pas la même crise qui fait encore parler d’elle aujourd’hui ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : Oui c’est vrai, mais si on veut parler de l’origine de la crise, on passerait toute la nuit ici.

Aujourd’hui, ce qui est primordiale est de sortir de cette crise. Le hasard veut que je sois là chaque fois que le pays souffre. Je suis là purement dans le cadre du travail, mais comme j’ai une âme de politique et de journaliste, j’ai décidé de rester pour voir un peu l’évolution des choses. C’est vrai que je connais personnellement le président Laurent Gbagbo, avec qui j’ai eu plusieurs entretiens. J’ai vécu le premier et le deuxième tour de l’élection présidentielle. Le premier tour a été admirable, mais le second m’a véritablement interpellé.

QUESTION : Qu’est-ce qui n’a pas marché pour qu’on en arrive à une telle crise après l’élection présidentielle ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : En tant que président de l’Association royale de la presse Nord-Sud, j’étais ici sur la terrasse de l’hôtel Pullman pendant la proclamation des résultats. Vous devez savoir qu’ici, il y avait des journalistes correspondants de chaines que je ne vais pas citer. Ils venaient s’asseoir sur la terrasse pour discuter et surtout pour capter leur satellite pour le journal en duplex. A cet endroit, j’ai assisté à une scène des plus révoltantes au monde. Ce que je vais vous dire, résume beaucoup de choses sur la crise en Côte d’Ivoire, et n’appellera pas d’autres commentaires. Il était 17 heures 15 mn, le lundi 6 décembre 2010, ici à la terrasse de l’« hôtel Pullman ». J’échangeais avec un journaliste avec lequel j’avais lié connaissance au premier tour et qui était là pour le second tour de l’élection présidentielle. On discutait de la déontologie et de la liberté de la presse. A 18 heures, 19 heures pour Paris, avec son portable et l’amplificateur, il appelle Paris à un mètre de moi. Il a dit « allo ! Paris, je fais la manchette sur Abidjan ». « Il y a des embouteillages, tout est normal, il fait calme, Abidjan bouge, le peuple est heureux, Laurent Gbagbo est élu ». Alors on entend Paris dire: « tu ne peux pas dire ça. Tu dois dire qu’il y a une tension vive à Abidjan que les Ivoiriens ont peur, les rues sont désertes, les Ivoiriens contestent la victoire de Gbagbo ». Voilà ce dont j’ai été témoin. En temps que président de l’Association royale de la presse Nord-Sud, je dis que c’est indigne d’un pays comme la France. L’objectivité n’existe pas mais l’honnêteté intellectuelle existe.

QUESTION : En clair, pour vous, c’est la France qui fait la guerre à la Côte d’Ivoire pour installer le candidat de son choix, et qu’en réalité il n’existe pas de crise post électorale ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : Je suis en train de vous dire que j’ai été témoin d’une scène. Je vous demande d’en déduire vous-même pour voir toutes les manipulations de la France dans la crise actuelle en Côte d’Ivoire.

QUESTION : 50 ans après, peut-on dire que l’Afrique est indépendante ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : Je le dis net : l’Afrique n’est pas du tout indépendante. En temps que politologue, je suis passionné des droits constitutionnels. La crise que vivent les pays d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Egypte, Lybie) est la crise que vous avez vécue il y a 20 ans. C’est-à-dire vous êtes allés d’un système dictatorial au multipartisme, tout le monde se félicite de cela. S’agissant des colonies françaises, 15 pays ex-français de colonies d’Afrique noire ont hérité de la Constitution de la 5e république. On vous oblige à organiser des élections et on vous impose des présidents. En Côte d’Ivoire, on a poussé le président Laurent Gbagbo à organiser l’élection présidentielle alors que l’« Onu » n’a pas pacifié le Nord occupé par les rebelles. A partir du moment où on demande à des Etats souverains de se soumettre à la Constitution et que la Constitution est dotée d’un pouvoir exécutif, judiciaire, législatif et une liberté de presse, le 4e pouvoir qui est total en Côte d’Ivoire, ce qui n’est jamais vu dans le monde. Je ne vois pas pourquoi on peut contester une élection présidentielle. A partir du moment où un Etat souverain via l’institution suprême de la République proclame de façon officielle un résultat, c’est la République qui a parlé à travers cette Institution.

Alors, qu’on ne vienne surtout pas me dire que le président du « Conseil constitutionnel » est un ami de Gbagbo Laurent. Puis-je rappeler que Sarkozy, le donneur de leçon a comme président du « Conseil constitutionnel » Jean Louis Debré, le fils du père. Alors pas de leçon à donner à l’Afrique s’il vous plaît.

QUESTION : Pourquoi le président du « Conseil constitutionnel » français a une légitimité incontestée et qu’en Côte d’Ivoire on met en cause la légitimité du président du « Conseil constitutionnel »?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : C’est tout simplement parce que le président Laurent Gbagbo ne fait pas l’affaire de l’« Elysée » que la France refuse de lui reconnaître sa victoire en accusant le « Conseil constitutionnel » de Côte d’Ivoire de proche de Gbagbo. Ni la France, ni les Etats Unis n’ont de leçons à donner à la Côte d’Ivoire quand on a vu le ridicule du recomptage des voix en Floride qui a donné Bush vainqueur alors que tout le monde sait que c’est Albert Alnold Gore dit Al Gore qui a remporté l’élection présidentielle. C’est la « Cour suprême » majoritairement pro Bush qui a donné le résultat final. Est-ce que l’« Onu » est allée mettre de l’ordre aux Etats Unis ? A-t-on envoyé l’« Ecomog » aux Usa ? A-t-on fermé les banques aux Usa ?

QUESTION : Pensez-vous qu’il y a une perspective adéquate de sortie de crise sans que la Côte d’Ivoire ne s’embrase ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : Je vais vous dire très sincèrement, je prie Dieu nuit et jour pour que l’on arrête l’effusion de sang en Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire est un paradis et je ne veux pas qu’on la métamorphose en enfer.

Le peuple ivoirien a payé un lourd tribut depuis prêt de 10 ans. Il a assez souffert, il a assez pleuré et cela doit s’arrêter. Je conjure aux deux hommes de se parler. Il y a un qui est ouvert, l’autre fermé. La seule solution de sortie de crise est un dialogue franc entre les deux protagonistes. Un qui fut premier ministre, brillant économiste, Alassane Ouattara et l’autre, grand politicien, profondément cultivé, miroir du peuple ivoirien et d’Afrique. Même ses adversaires sont obligés de reconnaître le grand politicien qu’il est, un homme courageux au grand cœur. Pendant 10 ans, il a composé avec d’autres partis pour la paix dans son pays. Laurent Gbagbo est grand dans l’âme et dans le cœur. Il saura trouver une issue pacifique à la crise qui secoue son pays. Il faut à tout prix éviter une guerre civile. Ce sera la fin de l’Afrique de l’Ouest, et de la « Cedeao ». Je voudrais que M. Ouattara ait une connaissance intellectuelle de reconnaître qu’il y a une Constitution et des Institutions qui régissent la Côte d’Ivoire. Un coup de force vers le Golf est envisageable mais ne résoudra rien, le Nord étant occupé, il y aurait forcément des morts. Si c’est dans l’autre sens, ce sera à la limite pire. Je recommande le dialogue et condamne l’attitude de Nicolas Sarkozy qui de façon scandaleuse a sommé le président de la République de quitter le pouvoir, ce qui est une ingérence invraisemblable et c’est inacceptable. Quand bien même on ne soit pas avec le président Laurent Gbagbo, il y a un minimum de respect qu’on lui doit en tant que chef d’Etat, légitimé ou pas par Paris, c’est le président de la république de Côte d’Ivoire.

QUESTION : Que pensez-vous du panel des chefs d’Etat africains ? Croyez-vous qu’ils auront assez de courage pour faire triompher la vérité et légitimer les Institutions de la République de Côte d’Ivoire ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : Par rapport au tout début, il y a un gros effort qui a été consenti. Avant c’était l’Europe et les Usa qui dictaient leur loi. Le fait de remonter vert l’Afrique est un grand pas. Je préfère 30 à 40 aller- retours pour des négociations, à la recherche d’une paix vraie plutôt que d’utiliser des armes pour détruire ce beau pays, qui a tous les atouts. Ce beau pays qui est un don de Dieu, le seul patrimoine que les Ivoiriens ont en commun. Ne tombez pas dans le piège de vos ennemis qui ne désirent que voir le pays s’embraser pour piller son sous-sol. Il faut que le panel tienne compte des lois du pays. Les Africains ayant la vertu de l’arbre à palabre et du dialogue, je sais et j’espère que le panel va apporter la paix tant attendue par les Ivoiriens.

QUESTION : l’« Onu » a pris position dans la crise ivoirienne. Des preuves accablent l’armée onusienne qui de façon délibérée a tiré sur les partisans de Laurent Gbagbo, faisant de nombreux morts et des blessés qui ont déposé une plainte contre cette force. En tant qu’expert de l’« Onu », quel est votre commentaire sur ce fait ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : Si vraiment l’Onu se prête à ce type de comportement, non seulement c’est blâmable et c’est condamnable. C’est une violation totale de la charte de l’« Onu ». Si l’« Onu » a tiré sur des personnes aux mains nues, je ne suis pas du tout fier que mon pays fasse partie de cette Institution.

QUESTION : Le Congo est votre pays, puisque vous y avez passé pratiquement toute votre vie. Quel lien établissez-vous entre Patrice Lumumba et le président Laurent Gbagbo ?

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : J’ai eu la chance de vivre l’indépendance du Congo. Gbagbo présente les caractéristiques d’un homme qui pense d’abord à son peuple avant tout autre considération. Lumumba était ainsi, c’était un homme qui n’avait rien à foutre de l’argent. Il était profondément nationaliste. Toutes ses revendications étaient sociales et propres aux besoins du peuple. On l’a taxé de communiste et à force de le taxer de communiste, il n’a pas eu d’autres choix que de se tourner vers Moscou. Si on avait compris que c’était un communiste et que c’était un homme avec lequel il fallait composer, on ne l’aurait pas assassiné. Gbagbo comme Lumumba incarne le nationalisme au sens noble du thème. Je souhaite qu’on le laisse en paix, qu’on lui foute la paix et qu’il a 5 ans pour mettre à exécution son programme de gouvernement pour le bonheur de son peuple. Après, on ne le vote plus si on veut, mais il faut le laisser travailler. A la limite, il est frustré de ne pas pouvoir faire ce qu’il aime le plus au monde, se mettre au service de son peuple. Travailler pour son peuple, rien que ça, Gbagbo ne demande rien que ça.

QUESTION : Votre mot de fin…

DOMINIQUE-FRANÇOIS UGEUX : Ce que je vais dire est banal mais ça vient du cœur. Je voudrais dire au peuple ivoirien que je fréquente depuis longtemps que quelle que soit leur tendance politique, ethnique et religieuse de se pardonner les uns les autres, de prier Dieu tous les jours pour que vienne la paix. Je porte un amour sincère et total, sans calcul au peuple ivoirien. Faites la part des choses, ne sombrez pas dans l’extrémisme et ne devenez pas les otages des manipulateurs. Je dis aux Ivoiriens de se serrer les coudes car le bout du tunnel n’est pas loin. Il y a une lueur d’espoir qu’il faut savoir saisir. Je souhaite que le panel trouve une solution acceptable pour tous. Si les deux hommes ensemble acceptent de diriger la Côte d’Ivoire dans la sincérité, ils casseraient la baraque. Un grand homme politique et l’autre économiste hors pair. S’ils arrivent à le faire, ils donneraient l’exemple d’être d’une très grande maturité et ils donneraient une gifle à la France.


Written by Ekue Folly Grace Tuesday, 01 March 2011 05:08

Actualité Africa

On le dit et l’on ne cessera jamais de le clamer apertis verbis. Le colonialisme n’est pas fini.

Il continue en mutant de formes et de modes opératoires. Les velléités colonialistes des traditionnels agresseurs des peuples d’Afrique sont plus qu’actuelles. Lorsque nous disons « traditionnels agresseurs », nous pesons minutieusement nos mots et nous le disons en parfaite connaissance de causes. Il ne s’agit aucunement  d’une affirmation gratuite sans fondement. Bien au contraire, une telle assertion trouve ses fondements les plus indiscutables et absolus dans l’analyse du parcours historique des peuples d’Afrique du quinzième siècle jusqu’aujourd’hui.

Les faits empiriques passés et actuels ne font d’ailleurs que corroborer davantage une telle position. Alors même que l’occident continue de se ruer tel un fauve affamé sur l’Afrique et sur ses richesses en semant sur son passage conflits armés, antagonismes artificiels, rébellions, génocides, famines, et désolations, il ose impunément se faire passer pour un défenseur des causes humanistes et de la démocratie. Mais il n’y a qu’aux débiles et aux ignorants de l’histoire que l’on peut continuer à narrer ces fables qui d’ailleurs sont caractéristiques de tant d’incongruités que l’on s’étonne que les médias et certains milieux académiques continuent de les arborer au monde.

Il est temps que les Africains comprennent que les indépendances, obtenues de façon asynchrone à partir de 1922, n’ont mis aucun terme au régime colonial comme le souhaitaient les indépendantistes. Elles n’ont jamais été garantes du respect, de la dignité et de la souveraineté de l’humanité des peuples noirs. Le combat pour la restauration de la dignité des peuples d’Afrique et pour la reconnaissance par les autres peuples de cet acquis pourtant essentialiste et atemporel est encore à mener. Et l’Afrique doit affronter cette sacrée responsabilité qu’est la lutte pour le respect de son altérité.

L’enjeu de cette lutte est bien entendu plus qu’africain, il est planétaire, puisque tant que l’occident continuera de nier la naturalité de la diversité culturelle du monde et cherchera d’imposer à ce dernier son ethnocentrisme baptisé à tort « humanisme », le concept de la paix mondiale et d’effectivité d’une société cosmopolite mondiale ne sera que pure chimère.

La position de la France, des Usa, de l’UE, bref de l’Occident dans ce qu'il convient d’appeler aujourd’hui le contentieux électoral en Côte d’Ivoire est largement révélatrice de ce contraste persistant dans l’acception du cosmopolitisme des « blancs ».

A y voir de plus près l’on se rend bien compte qu’il y a une forte volonté manifeste de l’Occident d’asphyxier les peuples d’Afrique par toute une série d’artifices idéologiques, politiques et économiques. Car après avoir opprimé l’Afrique pendant trois décennies par le truchement des monopartismes et de dictatures maintenus contre les aspirations démocratiques des peuples africains, l’Occident a osé se faire passer pour un donneur de leçons de démocratie à partir des années 90. Grâce à leur suprématie médiatique et économique, les pays occidentaux ont réussi à faire croire aux « pauvres africains » que la paternité de l’initiative démocratique en Afrique leur revenait.

Heureusement, les faits historiques post 90 nous permettent enfin de dévoiler cette nouvelle tentative de falsification de l’histoire contemporaine africaine et d’affirmer sans ambages qu’au contraire, c’est la confrontation bipolaire entre les Usa et l’Urss qui a été fossoyeuse du processus démocratique en Afrique et que les peuples africains ont toujours aspiré à leur liberté et à leur autodétermination.

L’Occident n’a-t-il pas cherché à nier le droit à la liberté des colonies africaines en tuant les leaders indépendantistes, en massacrant les peuples noirs au Kenya, au Cameroun, en Algérie, en Rhodésie du Nord, au Madagascar, en Afrique du Sud, dans les anciennes colonies portugaises, alors qu’au même moment il prônait le droit à l’autodétermination des peuples colonisés aux Nations Unies ? Alors même que la fameuse déclaration universelle des droits de l’homme a été déjà proclamée en 1948 à l’Onu, qu’est-ce qui justifiait l’esclavage et l’humiliation des noirs sur leurs propres terres ? Elles sont nombreuses les incongruités qui nous autorisent à dire que l’Occident possède un autre agenda, certainement secret pour les peuples africains et que nous ne sommes pas encore dans la logique de liberté ni de souveraineté pour laquelle tant d’âmes africaines durent se sacrifier.

Depuis 1990 la date de la résurgence du multipartisme sur la scène politique africaine, les peuples africains se sont confrontés durement au déni par l’Occident de leur droit de choisir librement leurs propres dirigeants. Partout en Afrique, au Congo, au Togo, au Niger, au Mali, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Tchad, à Madagascar, etc… l’expression des peuples africains a été muselée à travers l’imposition par la France ou par les Usa de leaders politiques qui ne jouissent d’aucune légitimité populaire.

Si les pays occidentaux étaient cohérents avec eux-mêmes, ils devraient cesser d’insulter les noirs en se faisant passer pour des démocrates devant les médias. Nous nous rendons compte amèrement que les peuples occidentaux sont finalement résolus à piétiner la dignité et la souveraineté des noirs et qu’ils sont loin d’admettre le contraire. Et l’Afrique devrait se résoudre à se battre pour imposer à l’Occident le respect de sa souveraineté comme l’ont toujours fait les peuples d’Asie. Ce défi, l’Afrique doit le relever.

Il n’existe pas d’autres alternatives pour les noirs : la résistance pour la liberté ou la passivité pour l’esclavage et la disparition. Nous avons longtemps cru en la bonne foi et en l’humanisme des « blancs ». Nous avons pardonné tout le mal que l’Occident nous a fait. En effet, nous avons subi pendant 5 siècles ce que les juifs ont subi pendant la deuxième guerre mondiale. Eux ils crient à l’holocauste, deviennent agressifs, s’arment, tuent les palestiniens devant le regard désabusé de l’Onu, ils ne respectent pas les résolutions du Cds des Nations Unies, ils violent le droit international et les espaces aériens des pays environnants pour faire des raids où bon leur semble, ils continuent de faire payer à l’Allemagne jusqu’à ce jour les frais de dédommagement pour le génocide hitlérien.

Le peuple noir lui semble avoir tout oublié. Il renoue en toute innocence avec ceux qui l’ont mutilé et déshumanisé il y a de cela seulement quelques années. Il respecte le droit international et croit en la bonne foi des pays occidentaux. Il faut le faire car seulement de cette façon nous réussirons à construire un monde nouveau de paix et de bonheur. Mais la réalité nous pousse à comprendre que tel ne doit plus être pour nous une ligne de conduite face aux nations occidentales.

En Côte d’ivoire les masques coloniaux enfouis par fourberie dans les têtes sont finalement montés en surface. Nous nous trouvons réellement devant une situation inédite de notre histoire postcoloniale qui nous met devant des évidences que notre sempiternelle bonté pour les colonialistes nous a empêchés de considérer durant bien de décennies. Nous sommes devant un contentieux électoral délibérément orchestré par un excès d’ingérence de deux pays occidentaux (France et Usa) et d’une organisation internationale (ONU).

Bon nombres d’analystes obnubilés par l’intoxication médiatique refusent de lire la crise ivoirienne de façon objective. Comment expliquer que la France, l’Angleterre, les Usa et leurs valets occidentaux s’agrippent avec une telle violence à des résultats provisoires proclamés non pas par la CEI dans son ensemble mais simplement par son président, en dehors du délai constitutionnel, tout seul dans un hôtel d’Abidjan qui n’est autre que le QG d’un des candidats en course ?

En dehors de tout parti pris et de tout militantisme partisan, le bon sens interpelle toute bonne conscience à recenser les incongruités d’un tel scenario. Il n’existe aucun pays au monde où les résultats de la commission électorale indépendante sont définitifs. Même dans le cas particulier de la Côte d’Ivoire où le scrutin a été organisé en étroite collaboration avec l’Onuci, il n’est prévu dans aucun texte que la CEI serait compétente à proclamer les résultats définitifs encore moins que l’Onuci pouvait certifier les résultats provisoires de cette commission pour en faire des résultats définitifs. La certification des résultats par l’Onuci ne pouvait advenir qu’après la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel de la Côte d’Ivoire. Pourquoi l’Onu, la France et les Usa ont-ils pu bafouer un si simple principe pourtant élémentaire dans toutes les démocraties du monde ?

Sur la base de quelle logique les médias du monde ont-ils donc présenté Ouattara D. Alassane comme le président élu de la Côte d’Ivoire ? Nous sommes bel et bien devant ce que le philosophe allemand Kant appelait le préjudice de la majorité. C’est complètement ahurissant. On assiste à des déclarations d’autorité et à des tapages médiatiques objectivement sans aucun fondement. Car même si la Commission Électorale Indépendante jouissait de la prérogative de prononcer les résultats définitifs du scrutin et que l’Onuci était en droit de certifier de tels résultats, ce qui n’est pas le cas, la validité juridique et politique de ces derniers demeurait toujours tributaire du respect du délai prévu. Ce qui ne fut pas le cas, puisque M. Youssouf Bakayoko a publié les chiffres donnant Ouattara pour vainqueur en dehors des délais prévus par la Constitution ivoirienne et par les accords politiques qui ont régi le scrutin. Pis, il a violé la règle de l’unanimité qui discipline l’activité de son organe et qui fonde absolument la validité des résultats qui en émanent, pour se rendre au Quartier Général de M. Alassane Ouattara, non pas tout seul, mais accompagné par les ambassadeurs des Usa et de la France en accord avec l’Onuci.

Il faut aussi rappeler à l’opinion publique qu’après l’expiration du délai de 3 jours prévu par les textes, M. Youssouf Bakayoko a bel et bien transféré les dossiers à la Cour constitutionnelle, qui est de jure seule compétente à composer le différend qui aurait empêché l’unanimité des représentants des forces politiques au sein de la CEI. Ce ne sera qu’après que M. Bakayoko se rendra à l’Hôtel du Golf sans le moindre représentant d’aucun parti mais sous l’injonction des diplomates occidentaux pour annoncer à la presse étrangère des résultats de fait illégitimes.

Il urge de noter que M. Bakayoko avait déjà essayé de violer la règle de l’unanimité en vogue au sein de la CEI pour proclamer dans la précipitation des résultats non consensuels mais en avait été empêché par les représentants de Gbagbo Laurent qui ont du recourir à la force (cf. les images malheureuses et déplorables de feuilles déchirées). Comment de tels résultats, proclamés ensuite en toute illégalité peuvent-ils être entérinés par le Conseil constitutionnel, surtout que les représentants de Gbagbo avaient fait le jour même un recours contre le camp de Ouattara pour fraude ?

Il est tout à fait étonnant de remarquer que contrairement au Camp de Gbagbo, les partisans de Ouattara n’ont fait jusqu’à ce jour le moindre recours contre Gbagbo pour fraude. Si tous ces faits sont vérifiés, en vertu de quelle autorité les ambassadeurs de la France et des Usa en accord avec l’Onuci ont-ils fait annoncer à M. Bakayoko des résultats à l’Hôtel du Golf ? Et pourtant, c’est sur la base de ces résultats prononcés en violation de toutes les dispositions juridiques ad hoc et constitutionnelles prévues que la France, les Usa, l’Onuci et les médias qui leur sont inféodés ont fait passer M. Alassane Ouattara pour le président de la Côte d’Ivoire.

Ce qui s’est passé en Cote d’Ivoire est gravissime et dénote d’une volonté impérialiste et irrespectueuse des lois et des institutions de ce pays. C’est tout simplement du gangstérisme politique avalisé par l’Onu qui tente de fonder la souveraineté de la Côte d’Ivoire sur la reconnaissance internationale et non sur les institutions légales du pays. Pour les nations africaines, une telle tentative constitue si elle réussit un grave précédent qui risque de faire jurisprudence et de promouvoir la provincialisation de l’Afrique noire. Dans quel pays occidental, des résultats issus d’élections présidentielles annoncés dans un tel contexte avec un si grand nombre de vices de procédures, peuvent-ils être ainsi avalisés par l’opinion publique nationale et internationale ?

Dans des conditions normales de respect de la légalité et de la souveraineté de la Côte d’Ivoire, ces ambassadeurs et l’Onuci devraient être poursuivis par la justice internationale. Il n’en est rien. C’est cela qui choque même certains adversaires de Gbagbo qui ont fini par reconnaitre du coup les dangers que représentent les occidentaux pour l’Afrique. (du banditisme diplomatique). Si par la suite, le Conseil constitutionnel a cru plus opportun d’annuler les votes des bureaux de vote qui justement étaient à l’origine de l’incapacité de la CEI de délibérer à l’unanimité, il faut reconnaître qu’une telle prérogative rentre normalement dans ses compétences sur la base du même article 64 du Code électoral ivoirien, lequel de par son ambiguïté, laisse au Conseil constitutionnel le pouvoir discrétionnaire de juger de la gravité des irrégularités et conséquemment, de l’annulation partielle ou complète du scrutin. La question reste ouverte sur ce point. En tout état de cause le Conseil constitutionnel reste et demeure l’organe le plus compétent pour en juger et d’ailleurs ni l’Onuci, ni le camp de Ouattara ne lui a contesté cette prérogative que seul le peuple ivoirien a le pouvoir de remettre en cause.

L’Onuci n’est plus une force impartiale et a pris position de la plus brute des manières certainement sous la pression des Usa et de la France. Beaucoup d’analystes africains et même de chefs d’États qui s’étaient rués avec précipitation et par anti-gbagbisme sur la question ivoirienne sur la base des informations relayées par les médias occidentaux ont fini par comprendre l’irrecevabilité de la victoire de M. Ouattara.

Les positions de l’Afrique du Sud et du Panel des chefs d’État mandatés par l’UA sont claires : pas de précipitations inutiles et de déclarations d’autorité sans fondement, la question va au-delà des frontières ivoiriennes, il s’agit d’une crise africaine qui doit être résolue en Afrique. Bien loin de cette logique légale et légaliste, l’Occident continue de se cramponner à des résultats complètement illégitimes et de surcroît provisoires annoncés par le représentant d’un organe constitutionnellement incompétent, continue de faire des pressions individuelles et collectives sur les pays de la Cedeao pour les inciter à user de la force armée pour faire partir M. Laurent Gbagbo.

Pourquoi la Cedeao n’a-t-elle pas usé de la force armée pour éteindre la rébellion de 2002 qui tentait de prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle en Côte d’Ivoire ? Aujourd’hui, M. Ouattara et ses parrains occidentaux, voyant que le pouvoir résiste à l’asphyxie financière et aux embargos, passent à l’étape du chaos en soutenant publiquement les rebelles de Soro, lesquels ont commencé des excursions armées contre les populations en vue de pousser les Fds à la confrontation armée et de saboter la procédure de médiation en cours. Tant d’incongruités qui nous poussent à poser le problème de l’identité de M. Ouattara et du rôle de l’Onuci et de la Cedeao en Côte d’Ivoire. Les peuples togolais se souviennent certainement de la position de l’organisation sous régionale durant les événements qui ont secoué ce pays à la mort du feu Gal Gnassingbé Eyadema en 2005.

La Cedeao avait déclaré légitime et démocratique l’élection du président Faure malgré les multiples preuves d’irrégularités, de massacres et de violences enregistrés avant, durant et après le scrutin. Le fils du dictateur fut installé contre la volonté du peuple togolais et les reconnaissances ont plu de tous les côtés mais surtout de la France, de l’UE et des Usa. Si l’opposition togolaise avait eu la faveur de l’Occident, aurait-on assisté aussi à la guerre économique et à des ultimatums de Sarkozy et à des incitations à la guerre de l’Occident et de l’Onu pour faire abdiquer Faure ?

C’est dommage pour l’Afrique que l’on assiste si passifs et sans réagir à des invectives publiques d’un président français à l’endroit du président Gbagbo depuis l’Europe. Le comble c’est que l’Afrique compte encore de ces chefs d’État et hommes politiques à l’image de Ouattara, de Faure Gnassingbé, de Paul Biya, d’Ali Bongo ou du nigérian Goodluck Jonathan qui acceptent de vendre leur dignité, de compromettre l’avenir de leur peuple, et leur propre souveraineté pour des miettes de privilèges et de facilités que la France et les Usa leur proposent dans les instances internationales. Le régime d’occupation coloniale est fini, mais à sa place un autre régime colonial qui ne dit pas son nom mais que les événements actuels nous permettent de comprendre.

Avant 1960 le défi des peuples africains était celui de mettre fin à l’occupation coloniale et esclavagiste. Ils y ont réussi. Aujourd’hui, le grand défi dont la relève nous incombe, c’est celui de l’africanité de nos leaders politiques. Très bientôt, s’ouvrira une nouvelle ère pour l’Afrique où le critère de l’africanité ou du panafricanisme deviendra un pré requis inconditionnel positif ou coutumier pour les courses à la magistrature suprême en Afrique noire. Et il y a un très grand risque que cette exigence a priori constructive se mute en anti-occidentalisme institutionnel, compromettant ainsi la noble marche vers une société mondiale de paix.